Peter Routledge participe à un entretien informel à l’occasion de la Conférence nationale sur l’assurance au Canada

Discours - Vancouver -

Climat

Modérateur :

Les sociétés d’assurance multirisque réfléchissent depuis un certain temps aux changements climatiques et aux risques qui en découlent, et les considèrent depuis longtemps comme un risque légitime. Qu’est-ce que le secteur peut nous apprendre sur les risques climatiques? Pouvez-vous nous faire part des résultats préliminaires de l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques?

Surintendant Peter Routledge :

  • Le secteur de l’assurance multirisque nous apprend que les risques climatiques sont associés à de réels coûts financiers. En effet, nous observons maintenant l’incidence des risques physiques liés aux changements climatiques sur les institutions financières au Canada.
  • Par exemple, la fréquence des événements d’une grande gravité ne cesse d’augmenter, et ceux-ci ont une incidence sur la couverture de réassurance et les rétentions nettes des sociétés d’assurance multirisque, ce qui pourrait entraîner une possible volatilité des bénéfices ou même du capital.
  • Comme la plupart d’entre vous le savent déjà, 7,6 milliards de dollars de pertes assurées attribuables à des phénomènes météorologiques graves ont été subies en 2024, selon le Bureau d’assurance du Canada (BAC) et Catastrophe Indices and Quantification Inc. (CatIQ). Autrement dit, l’année 2024 est la pire année en termes de sinistres dans l’histoire du pays, et les quatre années les plus coûteuses jamais enregistrées se sont toutes produites au cours de la dernière décennie.
  • Le 10 septembre, nous avons publié la version finale de l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques, ou ENASC comme nous l’appelons. L’ENASC fera la lumière sur la nature des risques auxquels les institutions financières doivent faire face dans leurs bilans et au-delà en ce qui concerne les risques climatiques.
  • Bien que nous n’ayons pas de résultats préliminaires à communiquer pour le moment, le BSIF et, au Québec, l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui exécutent l’ENASC en parallèle conjointement avec leurs institutions, communiqueront les résultats globaux de l’exercice en 2025. Nous attendons avec impatience les résultats qui serviront à optimiser les pratiques des institutions financières en matière de gestion des risques climatiques.

Modérateur :

Cet été, rien qu’en juillet et août, nous avons été témoins de nombreux cas d’inondations à Toronto et à Montréal, d’incendies de forêt à Jasper et d’une violente tempête de grêle à Calgary. Aux États-Unis, certains assureurs ont cessé leurs activités en Floride et en Californie. En mai, State Farm s’est jointe à d’autres assureurs pour annoncer qu’elle ne renouvellerait pas un nombre considérable de polices d’assurance de propriétaires. Ces décisions ne sont toutefois pas prises à la légère. Le retrait d’un marché ou de certains types de couverture, en particulier si c’est parce que les assureurs ont déterminé que le risque était trop élevé, a des conséquences importantes pour les ménages et les particuliers.

Quelles autres mesures le BSIF a-t-il prises ou peut-il prendre pour protéger de manière proactive la disponibilité de la couverture d’assurance au Canada?

Surintendant Peter Routledge :

  • La disponibilité de la couverture est une importante question de politique, mais ne fait pas partie de notre mandat en tant qu’organisme de réglementation prudentielle.
  • Ceci étant dit, le BSIF peut aider en étant proactif – c’est-à-dire de toujours demeurer à l’affut afin de déterminer les risques à l’avance et de veiller à ce que nous, ainsi que les secteurs que nous réglementons et surveillons, prenions les mesures appropriées pour gérer ces risques. Comme vous le soulignez, le climat est un risque pour lequel nous devons être proactifs.
  • Procéder de cette façon permet aux banques de continuer à offrir des prêts aux Canadiens et à maintenir la disponibilité de leurs dépôts, aux régimes de retraite de continuer à verser des paiements aux retraités et, dans le cas de ce secteur, aux compagnies d’assurance de continuer à verser des paiements aux assurés.
  • Le risque climatique est d’abord et avant tout un risque financier. Je pense que c’est un risque financier qui n’est pas tout à fait le même que le risque de crédit ou le risque de marché. Le risque climatique finit par avoir une incidence sur les flux de trésorerie destinés aux immobilisations et, par ricochet, sur leur évaluation.
  • Nous avons pris d’autres mesures pour veiller à ce que les assureurs gèrent les risques liés au climat de manière proactive, notamment la publication de la ligne directrice B-15, Gestion des risques climatiques. La ligne directrice B-15 définit un cadre prudentiel comprenant la gouvernance et la gestion du risque, ainsi que les attentes en matière d’information applicables à toutes les institutions financières fédérales (institutions) qui les aideront à se préparer aux risques climatiques et à renforcer leur résilience face à ceux-ci.

Modérateur :

La disponibilité de la couverture fait-elle partie du mandat du BSIF, ou est-ce seulement une question de solvabilité?

Surintendant Peter Routledge :

  • La disponibilité de la couverture est une importante question de politique, mais ne fait pas partie de notre mandat. Notre mandat se détaille comme suit :
    • s’assurer de la bonne santé financière des IFF et RRF
    • veiller à ce que les IFF se protègent contre les menaces à leur intégrité ou à leur sécurité, notamment l’ingérence étrangère
    • intervenir rapidement lorsque des problèmes surgissent et exiger que les IFF et les RRF prennent les mesures qui s’imposent pour corriger la situation sans délai
    • surveiller et évaluer les risques, de même qu’encourager les IFF et les RRF à les gérer sainement
  • Nous devons veiller à ce que les assureurs demeurent résilients sur le plan financier et qu’ils soient en mesure de régler les demandes d’indemnisation lorsqu’elles leur sont présentées en nous assurant notamment qu’ils restent bien capitalisés. Le BSIF exige que les assureurs soient bien capitalisés et qu’ils gèrent leurs risques prudemment.
  • Toutefois, nous ne contrôlons pas la manière dont les assureurs déploient ce capital. Le mandat du BSIF est de s’assurer que le système financier gère ces risques.
  • Plus le BSIF se concentrera efficacement sur le risque climatique en tant que risque financier, plus il contribuera à préparer le système pour gérer la hausse des coûts engendrée par les changements climatiques.

Modérateur :

Nous avons un programme de réassurance contre les inondations qui progresse lentement et une étude sur les risques de tremblement de terre est en cours. Les risques de tremblement de terre demeurent l’un des principaux risques auxquels est confronté le secteur de l’assurance multirisque. De votre point de vue, que peut faire le secteur pour faire avancer les discussions?

Surintendant Peter Routledge :

  • Le BSIF reconnaît qu’il est essentiel que les assureurs fassent preuve de résilience sur le plan opérationnel et financier, afin de pouvoir appuyer les titulaires de police lorsque survient une catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre.
  • Compte tenu de l’ampleur potentielle de l’exposition au risque de tremblement de terre, nous continuons à évaluer le risque et à travailler avec nos partenaires du secteur financier pour mieux comprendre et améliorer nos cadres prudentiels concernant le risque de tremblement de terre et pour garantir que les titulaires de police sont protégés.
  • Nous reconnaissons que le secteur a aussi mobilisé les parties prenantes sur la question, et j’encourage la poursuite de ces discussions et des travaux connexes sur cet important sujet.

Modérateur :

Selon vous, à quoi ressemble la réussite en ce qui concerne le traitement et la gestion des risques climatiques dans le secteur de l’assurance multirisque? À quoi ressemble l’échec? Que fait le BSIF pour aider le secteur à y parvenir?

Surintendant Peter Routledge :

  • De notre point de vue, réussir signifie en fin de compte de remplir notre mandat, c’est-à-dire de maintenir la confiance du public dans le système financier canadien, notamment en protégeant les droits et les intérêts des déposants, des souscripteurs, des créanciers des institutions financières, des participants actuels ou anciens aux régimes de pension et des bénéficiaires des régimes de retraite.
  • Si l’on considère plus particulièrement les risques climatiques dans le secteur de l’assurance multirisque, la réussite se traduit par une gestion rigoureuse de ces risques, ce qui implique une collaboration continue entre le BSIF et les institutions afin de favoriser une culture d’échange d’information et de transparence, de mieux détecter les risques émergents et d’y remédier plus rapidement.
  • Pour aider le secteur à continuer à renforcer sa résilience face aux risques climatiques, le BSIF a pris les mesures suivantes :
    • Nous avons défini nos attentes en matière de gestion des risques climatiques dans notre nouvelle ligne directrice B-15 et publié des mises à jour des normes de communication d’informations dans l’annexe 2-2.
    • Nous avons publié la version finale de l’ENASC.
    • Nous avons longuement consulté les parties prenantes au sujet des deux initiatives.
    • Nous avons publié des relevés réglementaires sur les risques climatiques afin de recueillir des données normalisées sur les émissions à compter de 2025.
  • Le BSIF poursuivra sur cette voie prudente pour promouvoir une gestion rigoureuse des risques climatiques au sein des institutions financières afin de maintenir la stabilité du système financier canadien.

Réglementation et cadre réglementaire

Modérateur :

Même si le BSIF a désigné un ensemble prioritaire d’attentes sur le plan de la réglementation ainsi qu’un calendrier des publications prévues, le secteur reste préoccupé par le volume et la portée de la réglementation et des consignes, et la rapidité avec laquelle elles sont introduites. Outre la désignation des attentes prioritaires et l’établissement d’un calendrier, d’autres mesures sont-elles envisagées pour aider les institutions à gérer le volume de la réglementation et des consignes? Le secteur de l’assurance multirisque peut-il s’attendre à ce que d’autres approches sur mesure soient mises en place au cours de l’année prochaine?

Surintendant Peter Routledge :

  • Le BSIF entame un exercice qui permettra de déterminer la priorité de publication des documents stratégiques et de rationaliser ses consignes.
  • Ce travail consistera à :
    • déterminer les priorités et harmoniser les efforts, les politiques et les consignes avec les risques principaux et établir une approche claire dans le but de mettre à jour régulièrement et de manière continue l’ensemble des instruments de politique du BSIF;
    • arrimer davantage les consignes à notre nouveau Cadre de surveillance pour permettre aux surveillants d’axer leurs travaux sur les risques prioritaires en temps opportun;
    • améliorer la prévisibilité, la transparence et la clarté du travail pour les employés du BSIF et les intervenants du secteur;
    • présenter les consignes de façon simplifiée et plus pratique pour les surveillants et les parties prenantes.
  • Lorsqu’une ligne directrice ou un préavis sera annulé ou intégré à une ligne directrice existante ou nouvelle, les institutions financières et les organismes de réglementation provinciaux seront informés avec un délai suffisant pour leur permettre de s’adapter.

Modérateur :

Je crois comprendre qu’il existe un certain scepticisme concernant la disponibilité et la fiabilité des données sur les risques climatiques et les données recueillies dans le cadre de l’ENASC. Pourquoi est-ce que le BSIF exige cela?

Surintendant Peter Routledge :

  • Le défi posé par les données sur les risques climatiques est multiple. Il implique la complexité, la disponibilité, la précision et l’intégration de ces données dans les processus décisionnels de gestion des risques financiers.
    • Par exemple, nous disposons de nombreuses données sur le climat, les changements de température, les précipitations, les sécheresses, etc., mais le défi consiste à les modéliser avec précision en fonction des risques financiers futurs.
    • Un bon exemple est la profondeur des inondations futures dans une zone géographique particulière et l’impact que cela aurait sur le portefeuille hypothécaire d’une banque.
    • De nombreuses données sur le climat manquent de résolution ou de détails pour fournir des informations exploitables pour des régions ou des périodes spécifiques. Un autre défi est d’obtenir ces données.
  • Ce que nous avons entendu lors de nos consultations, c'est que les institutions voulaient des conseils sur la meilleure façon de renforcer les capacités d'analyse de scénarios dans leurs organisations. C'est pourquoi le SCSE est un exercice standardisé conçu pour renforcer les capacités au sein des secteurs que nous supervisons.
    • Par exemple, les entreprises devront réfléchir à ce que signifie géocoder les expositions individuelles et les fusionner avec les cartes des risques physiques. Elles devront appliquer les pertes de crédit attendues ajustées au climat aux obligations d'entreprises, aux actions privilégiées et aux expositions aux prêts aux entreprises et aux prêts commerciaux. Les institutions devront également appliquer les chocs sur actions prescrits pour les trois scénarios de transition. Nous avons également prescrit et défini des chocs de risque de marché pour les obligations d'entreprises publiques et privées et les actions privilégiées cotées en bourse qui sont concernées.
  • Bien que l’exercice soit très prescriptif et complexe, il s’agit avant tout d’un exercice de renforcement des capacités. Nous souhaitons que les institutions envisagent de manière stratégique les implications des changements climatiques sur leurs modèles d’affaires à plus long terme.

Modérateur :

La duplication des mandats entre les organismes de réglementation provinciaux et le BSIF suscite des préoccupations. Étant donné que le Canada possède un système fédéral, cette situation n’est pas unique au secteur de l’assurance multirisque, mais elle pose néanmoins des défis au secteur en raison du chevauchement possible des mandats et des exigences. Savez-vous s’il existe un forum ou un cadre qui pourrait servir d’exemple pour la mise en place d’un système pour les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux du secteur de l’assurance multirisque (en supposant qu’il y ait une volonté de mobilisation)? Le BSIF serait-il disposé à participer à un tel projet?

Surintendant Peter Routledge :

  • Bien sûr, nous serions disposés à participer à un tel projet. La coordination réglementaire est important pour le BSIF, tant à l’échelle internationale que nationale.
  • Le BSIF participe déjà au Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA), où les organismes de réglementation s’échangent des informations et où les possibilités de coordination sont déterminées.
    • Par exemple, les organismes de réglementation provinciaux et fédéraux s’intéressent à l’augmentation du recours aux agents généraux de gestion (AGG). Notre intérêt est d’ordre prudentiel, tandis que les provinces se concentrent davantage sur le traitement équitable des consommateurs. Cependant, notre intérêt a créé des possibilités de coordination, en particulier avec l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers, notamment en ce qui concerne les appels de données et l’intégration de nos approches afin de réduire au minimum le fardeau réglementaire pesant sur les assureurs.
    • Nous assurons également la coordination avec les provinces, par l’intermédiaire du Comité des formulaires et du Comité du capital du CCRRA, en ce qui concerne les modifications apportées à nos relevés réglementaires et à nos normes de capital.
  • Nos équipes chargées de la surveillance et de la réglementation rencontrent aussi régulièrement, sur une base bilatérale, plusieurs organismes de réglementation provinciaux afin d’échanger des informations et, le cas échéant, de coordonner certaines questions ou d’en discuter.
    • Par exemple, au début juillet de cette année, nous avons participé à l’exercice sur table portant sur la préparation aux crises dans le secteur des services financiers organisé par la BC Financial Services Authority.
  • Par ailleurs, nos guides d’intervention expliquent clairement dans quels cas nous pouvons communiquer des informations prudentielles avec les organismes de réglementation provinciaux dans le cadre de notre processus d’intervention. Donc, de notre point de vue, nous avons un certain nombre de points de coordination, et le cadre actuel est efficace pour appuyer la coordination de notre mandat prudentiel avec celui d’autres organismes de réglementation canadiens.

Modérateur :

Le Sondage de 2023-2024 auprès des institutions financières, réalisé par The Strategic Counsel pour le compte du BSIF, indique que les résultats étaient généralement plus faibles pour de nombreuses mesures ayant trait aux consignes par rapport à 2021. C’était particulièrement vrai pour les sociétés d’assurance dans les domaines suivants :

  • l’équilibre du BSIF entre les considérations prudentielles et concurrentielles;
  • la consultation au sujet de l’élaboration de consignes;
  • la communication des justifications aux intervenants du secteur, ce qui a permis d’obtenir des commentaires au moment de l’établissement de consignes.

Compte tenu de ces résultats, comment les conclusions du sondage ont-elles été accueillies au sein du BSIF, et y a-t-il des réflexions que vous souhaiteriez communiquer au secteur au sujet de ces résultats?

Surintendant Peter Routledge :

  • Le Sondage de 2023-2024 auprès des institutions financières (SIF) offre aux secteurs que nous réglementons et supervisons l’occasion de donner leur avis sur l’efficacité de notre rôle d’instance de réglementation et de surveillance prudentielle du Canada. Il nous aide à évaluer dans quelle mesure nous remplissons notre mandat et nous donne un aperçu des principaux facteurs de satisfaction.
  • Nous prenons ces commentaires au sérieux. Pour répondre précisément aux résultats du Sondage auprès des institutions financières, le BSIF organisera cet automne (en novembre 2024) une série de réunions avec les assureurs consacrées à ce sujet afin de mieux comprendre leurs commentaires et préoccupations.