Renforcement des fondements et adaptation à un paysage de risque dynamique – Favoriser les fondements d’une saine surveillance

Discours - Washington -

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire du Secteur des mesures de réglementation du BSIF, participe à une table ronde intitulée Renforcement des fondements et adaptation à un paysage de risque dynamique – Séance 3 : Favoriser les fondements d’une saine surveillance (Strengthening Fundamentals and Adapting to a Dynamic Risk Landscape – Session 3: Fostering the Foundations of Sound Supervision) à la 23e conférence internationale annuelle sur les défis liés aux politiques du secteur financier (Annual International Conference on Policy Challenges for the Financial Sector)

Modérateur :

En Europe et aux États-Unis, le secteur bancaire a connu des bouleversements importants en 2023, notamment les faillites de grandes banques telles que Silicon Valley Bank, First Republic, Signature Bank et Credit Suisse. À votre avis, quelles sont les leçons à tirer de ces événements, en particulier dans le contexte de la coopération internationale?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • Bien qu’il y ait plusieurs leçons à tirer de cette expérience, il y en a peu qui valent la peine d’être soulignées.
  • Premièrement, une intervention opportune et décisive peut étouffer dans l’œuf une crise, et même l’empêcher de s’aggraver si elle se concrétise. En d’autres termes, les retards dans la résolution des vulnérabilités repérées peuvent contribuer à des faillites. Des mesures proactives et rapides sont nécessaires pour stabiliser les institutions avant que les problèmes ne deviennent critiques. Les organismes de réglementation gagneraient à améliorer leurs mécanismes de surveillance et d’intervention afin d’agir rapidement face aux risques cernés et émergents.
  • Pour ce faire, les surveillants doivent avoir la volonté et le pouvoir de prendre des mesures décisives aux premiers signes d’un problème. Ils doivent notamment avoir la « volonté d’agir et d’influencer » et la capacité de communiquer rapidement avec les institutions financières pour cerner et atténuer les risques avant qu’ils ne s’aggravent. Des mesures rapides et décisives peuvent aider à stabiliser les institutions et à maintenir la confiance des marchés.
  • Il est essentiel d’assurer un suivi approfondi des lacunes cernées et des mesures correctives pour garantir une surveillance efficace. Les organismes de contrôle doivent tenir des dossiers complets de leurs constatations et de leurs mesures, surveiller régulièrement la mise en œuvre des mesures correctives et poursuivre l’amélioration continue des pratiques de surveillance. En bref, la diligence favorise la stabilité.
  • Deuxièmement, les simulations de crise et les analyses de scénarios robustes sont essentielles. Les banques devraient régulièrement effectuer des simulations de crise qui tiennent compte d’un éventail de scénarios extrêmes, mais plausibles, comme des hausses rapides des taux d’intérêt, de graves ralentissements du marché ou, de plus en plus, des événements géopolitiques. Elles s’assurent ainsi d’être préparées à faire face à des conditions défavorables et de maintenir leur résilience.
  • Les autorités de contrôle devraient améliorer leurs capacités de surveillance et leurs cadres de simulation de crise pour tenir compte d’un large éventail de scénarios, y compris les engagements hors bilan et les prélèvements possibles dans des conditions de crise. Cette approche proactive, sans nécessairement prévenir une faillite, peut aider à faire en sorte que les institutions financières maintiennent des réserves de fonds propres et de liquidités adéquates pour résister aux chocs.
  • Au cours de ces événements, les efforts déployés par les organismes de réglementation du Canada, des États-Unis et de la Suisse ont souligné la nécessité d’une solide coopération internationale. L’établissement de canaux de communication clairs et de cadres de gestion de crise collaborative peut améliorer la préparation et la réponse aux perturbations financières mondiales. Des simulations de crise internationale périodiques peuvent aider à renforcer la résilience et à améliorer la coordination des interventions.
  • Il est essentiel d’établir et de maintenir des relations solides avec d’autres organismes de réglementation et les homologues internationaux. Une surveillance efficace nécessite une communication, une confiance et une collaboration régulières au-delà des frontières pour gérer ce qui peut constituer des risques financiers mondiaux. Des simulations de crise régulières et des exercices de préparation auxquels participent plusieurs administrations peuvent aider à renforcer la résilience et à améliorer les interventions coordonnées.
  • Enfin, la gouvernance est importante. Les lacunes dans la gestion des risques et la responsabilisation au niveau de la direction sont souvent la cause profonde de ce qui se transforme en problèmes plus importants. Les surveillants devraient accorder la priorité à la mise en œuvre de structures de gouvernance plus solides au sein des institutions financières. Citons par exemple des régimes de cadres supérieurs pour tenir les agents responsables de leurs décisions et de leurs actions, assurer des pratiques de gestion des risques transparentes et efficaces et favoriser une culture de responsabilité et d’intégrité. Les organismes de contrôle doivent également collaborer régulièrement avec la haute direction pour surveiller les pratiques de gouvernance et appliquer les mesures correctives, au besoin, afin de prévenir les défaillances de gouvernance qui peuvent entraîner des risques systémiques.

Modérateur :

Dans le contexte de l’expérience canadienne, dans quelle mesure est-il important que les cadres internationaux permettent l’adaptabilité tout en favorisant l’uniformité et la prévisibilité?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • Nous comptons sur l’élaboration de cadres internationaux en matière de réglementation des institutions financières et nous y participons activement. L’élaboration de normes internationales est un multiplicateur de puissance pour nous : nous pouvons ainsi travailler avec d’autres administrations du monde entier pour élaborer des normes exhaustives qui reflètent nos préoccupations nationales et notre consensus international.
  • Cela dit, comme d’autres organismes de réglementation dans le monde, notre mandat législatif est unique à certains égards. Par exemple, en plus de protéger les droits et les intérêts des déposants et des créanciers, nous devons également tenir dûment compte de la nécessité de permettre aux institutions financières d’être concurrentielles et de prendre des risques raisonnables.
  • De plus, il y a souvent des facteurs de risques qui touchent les banques canadiennes qui peuvent être propres à celles que nous réglementons ou qui se concrétisent de différentes façons, ce qui milite en faveur d’une approche légèrement différente.
  • Ainsi, bien que nous soutenions et que nous nous appuyions, dans une large mesure, sur l’élaboration de cadres internationaux, il est essentiel que ces cadres soient adaptables. Cependant, comment peuvent-ils permettre l’adaptabilité, tout en maintenant la cohérence et la prévisibilité?
  • Premièrement, même si les cadres internationaux prescriptifs sont parfois utiles, les principes généraux offrent un certain degré de cohérence et de prévisibilité tout en permettant une adaptation nationale. Les administrations comme le Canada peuvent donc adapter ces principes à leurs environnements de réglementation particuliers et à leurs contextes uniques, tout en maintenant un cadre global cohérent à l’échelle mondiale.
  • Les cadres peuvent s’accompagner d’une orientation détaillée et de pratiques exemplaires, ce qui aide les administrations à interpréter et à appliquer les normes uniformément, et à les adapter à leurs besoins locaux.
  • Deuxièmement, ces cadres établissent une norme de base qui peut être complétée par chaque administration. La méthode analytique par composantes de base (building block approach) garantit un niveau minimum de cohérence et de sécurité tout en permettant l’ajout d’exigences supplémentaires pour faire face aux conditions et risques locaux.
  • Troisièmement, ces cadres peuvent prévoir une mise en œuvre progressive, ce qui permet aux administrations d’adopter graduellement de nouvelles exigences. Une approche progressive favorise une adoption cohérente tout en offrant de la flexibilité pour adapter la mise en œuvre aux paysages réglementaires locaux, à la conjoncture et aux évolutions contemporaines.
  • Vous trouverez ci-dessous trois exemples où nous avons adapté les normes internationales tout en respectant les objectifs de cohérence et de prévisibilité.
  • Nous avons maintenu une pondération du risque selon l’approche standard de 35 % pour les prêts hypothécaires dont le ratio prêt-valeur se situe entre 70 % et 80 % pour tenir compte de l’assurance hypothécaire obligatoire au Canada. Cet ajustement élimine l’effet compensatoire des pondérations plus élevées pour les ratios prêt-valeur supérieurs à 80 %, ce qui démontre une augmentation des exigences de fonds propres afin d’assurer une meilleure gestion des risques.
  • Nous avons réduit les coefficients de conversion en équivalent-crédit pour les cartes de crédit en fonction des données recueillies auprès de nos banques d’importance systémique intérieure, diminuant ainsi le coefficient de pondération du risque pour les comptes transactionnels en tant qu’écart compensatoire. Cet exemple montre une réduction des attentes, ce qui rend les exigences de fonds propres moins strictes pour certains actifs en fonction des données disponibles.
  • Nous avons également utilisé un facteur de corrélation plus élevé pour les biens immobiliers résidentiels qui génèrent des revenus. Cette adaptation reflète le lien plus étroit avec la conjoncture, et montre qu’on peut adapter les attentes sur le plan de la réglementation selon la dynamique propre au marché, plutôt que de simplement augmenter ou diminuer les exigences.
  • En tant qu’organismes de réglementation prudentiels, il est important d’adopter des ajustements aux cadres internationaux de façon adroite et précise. Lors de l’adaptation des normes aux circonstances locales, il est essentiel de mettre en œuvre les changements nécessaires seulement. C’est en équilibrant soigneusement le besoin d’adapter et l’objectif visant à maintenir la stabilité et l’uniformité que les organismes de réglementation peuvent remplir leur mandat tout en favorisant un système financier résilient à l’échelle nationale et mondiale.

Modérateur :

Comment les plans de continuité des activités révisés contribuent-ils à favoriser l’uniformité et l’efficacité de la surveillance des banques et des institutions financières non bancaires?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • Premièrement, les plans de continuité des activités révisés établissent des règles claires et adaptables. Des règles claires et bien définies sont essentielles pour s’assurer que tout le monde sait ce qui est attendu et comment s’y conformer. Cette transparence aide à renforcer la confiance et la responsabilisation au sein du système financier.
  • Par exemple, les plans de continuité des activités révisés fournissent des lignes directrices améliorées pour les ratios de levier, les réserves de fonds propres contracycliques, que nous appelons au Canada la réserve pour stabilité intérieure, et les limites de levier. Ces normes garantissent que les institutions financières maintiennent des ratios de fonds propres et de levier adéquats, qui sont les fondements de la stabilité financière.
  • Les plans de continuité des activités comprennent également de nouvelles normes visant la résilience opérationnelle, les risques financiers liés au climat et la durabilité du modèle d’affaires. La normalisation de la préparation au regard de ces risques émergents dans toutes les entités surveillées permet de s’assurer que les institutions sont prêtes à relever les défis modernes et à maintenir leur résilience face à l’évolution des menaces.
  • Deuxièmement, ils soulignent l’importance d’une communication efficace entre les organismes de réglementation pour gérer les risques uniformément et efficacement. Ils soulignent l’importance de transmettre des données sur l’exposition aux risques, la résilience opérationnelle et la conformité aux normes réglementaires des institutions financières.
  • Ils encouragent les surveillants à communiquer et à coordonner régulièrement, dans les limites de leurs propres concepts juridiques. Cet échange continu de renseignements contribue au maintien d’une approche plus uniforme de la surveillance.
  • Troisièmement, les plans de continuité des activités soulignent la nécessité de réaliser des évaluations collaboratives et des inspections conjointes, en particulier pour les institutions financières transfrontalières. C’est en travaillant ensemble que les surveillants internationaux peuvent s’assurer que la surveillance est complète et uniforme dans l’ensemble des administrations.
  • Bien que ceux-ci ne soient pas directement visés par les plans de continuité des activités, nous avons aussi pour mandat de réglementer les sociétés d’assurance fédérales, tant les sociétés d’assurance vie que multirisques, et les régimes de retraite, de même qu’une grande partie du système de courtiers négociants au Canada qui appartient aux banques, ce qui place ces entités sous notre responsabilité.
  • De plus, notre nouveau Cadre de surveillance utilise la même approche, le même processus et le même système dans les trois secteurs dont nous sommes responsables : les banques, les assurances et les régimes de retraite. Cela garantit une approche cohérente qui favorise l’uniformité et l’efficacité de la surveillance, tout en permettant l’adaptation pour faire face aux risques propres à ces différents secteurs. Nous avons renforcé notre cohérence et notre efficacité en mettant en œuvre une gouvernance interne dynamique et robuste pour vérifier les conclusions auxquelles nous arrivons.
  • Nous communiquons régulièrement avec les organismes de réglementation provinciaux qui s’occupent de la réglementation des titres et de la surveillance des coopératives de crédit, ainsi qu’avec la Banque du Canada. Cette dernière a un mandat global en matière de stabilité financière et tient compte de nombreux domaines du secteur des institutions financières non bancaires, y compris les régimes de retraite, les marchés financiers et l’infrastructure des marchés financiers.
  • Cela dit, en matière d’efficacité, ce sont souvent les qualités intangibles des surveillants qui influent sur le cours des choses, comme la volonté d’agir et le sentiment d’urgence. Bien que les normes et les données soient essentielles, elles ne sont efficaces que si les surveillants sont proactifs et décisifs dans leurs actions.