Le surintenant auxiliaire Tolga Yalkin participe à une table ronde à la conférence de l'Institut Michael D. Penner
Discours - Montréal -
Afin de situer le contexte de notre panel, je commencerai par vous parler un peu du rôle du BSIF et de la façon dont nous aidons les institutions financières à garder une longueur d’avance sur l’environnement de risque d’aujourd’hui grâce à nos lignes directrices et à notre travail de surveillance en matière de changement climatique.
Dans l’environnement de risque actuel en évolution rapide, les institutions financières, les régimes de retraite privés et les coopératives de crédit sont confrontés à de nombreux risques de plus en plus complexes et interconnectés. Et il n’y a aucun doute – cela ne va pas ralentir, bien au contraire.
Qu’ils soient liés au climat, aux risques économiques ou à l’innovation numérique, la gestion de ces risques est de plus en plus difficile.
Les changements climatiques et la réponse de la communauté internationale aux menaces qu’ils posent pourraient avoir des répercussions financières importantes sur la sûreté et la solidité du système financier canadien.
À titre de régulateur prudentiel, le BSIF s’intéresse de près à la gestion des risques des institutions financières et aux impacts potentiels que la matérialisation de ces risques pourrait avoir sur la viabilité financière des institutions. Parlez-nous svp des actions concrètes menées par le BSIF en matière de gestion des risques climatiques et je pense ici en particulier aux attentes créées par la ligne directrice B-15 et à la consultation en cours sur l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques.
Juridiction pragmatique
Plus on rentre dans les détails de la gestion du risque climatique, plus je suis convaincu que le changement climatique a une influence globale sur les risques financiers traditionnels comme les risques de crédit et de marché, les risques opérationnels et les risques liés au secteur de l’assurance.
C’est un risque financier qui n'est pas tout à fait le même que, par exemple, le risque de crédit ou le risque de marché – mais en fin de compte, le risque climatique est un risque transversal et sous-tend les risques financiers traditionnels. Donc, il faut l’aborder comme un risque financier distinct, tout en effectuant une analyse avec des données plus détaillées liées au changement climatique et à l’exposition aux émissions de GES.
Ligne directrice B-15, Gestion des risques climatiques
Publié en mars 2023, la ligne directrice B-15 est notre premier cadre de surveillance consacré aux changements climatiques et qui tient compte des effets de ceux-ci sur la gestion du risque présent dans le système financier du pays.
Nous avons publié récemment une nouvelle version de notre ligne directrice B-15 sur la gestion des risques climatiques, qui énonce les attentes du BSIF en matière de gestion de ce type de risques
Dans cette nouvelle version, les attentes envers les institutions financières fédérales (IFF), énoncées à l’annexe 2-2, s’alignent désormais sur celles de la version finale de la norme IFRS S2, Informations à fournir en lien avec les changements climatiques (en anglais seulement) du conseil des normes internationales d’information sur la durabilité.
Parallèlement, notre bureau a produit de nouveaux relevés relatifs aux risques climatiques pour recueillir des données normalisées sur les émissions et les expositions auprès des IFF.
Les données que le BSIF recueillera lui permettront de concevoir des politiques et d’assurer la surveillance et la réglementation en la matière en se fondant sur des faits objectifs.
Nous attendons également avec impatience les décisions de l’Autorités canadiennes en valeurs mobilières concernant leurs politiques de divulgation. Nous souhaitons certainement favoriser un partenariat constructif avec eux.
Exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques du BSIF
Les institutions financières et les organismes de réglementation qui les supervisent ont besoin de données concrètes pour être en mesure de mieux gérer le risque climatique.
C’est pourquoi le 11 avril dernier, notre bureau a annoncé la deuxième phase de la consultation sur l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques (ENASC).
Cet exercice vise à :
- Aider les institutions financières à mieux comprendre les risques climatiques auxquels elles pourraient être exposées,
- Renforcer la capacité des institutions à mener des analyses de scénario et des évaluations du risque climatique,
- Et mesurer les éventuelles expositions financières des institutions aux risques climatiques.
Nous nous sommes servis des commentaires recueillis lors de la première phase de la consultation pour actualiser la méthode à l’étude et créer une série d’instructions. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre rapport « Ce que nous avons appris », disponible en ligne.
Les institutions ont jusqu’au 7 juin 2024 pour envoyer leurs commentaires sur la deuxième phase de la consultation.
Notre bureau travaille avec l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui mènera cet exercice en parallèle avec certaines des institutions financières qu’elle réglemente au Québec.
Grâce à cette collaboration, nos bureaux respectifs visent à accroître le nombre et le type d’institutions financières qui soumettent des résultats à des fins d’analyse. (D’ailleurs, nous tiendrons conjointement une séance d’information cet après-midi à cet effet.)
Vous représentez tous les deux vos organisations respectives au sein de forums de régulateurs internationaux ce qui vous donne une grande visibilité sur ce que font vos pairs ailleurs dans le monde. Dans quelle mesure l’encadrement qui se développe à l’international influence-t-il vos réflexions et vos actions?
Considérant que les marchés financiers sont globaux et interconnectés, dans quelle mesure également doit-on tenter de s’harmoniser au niveau de l’encadrement des émetteurs et des institutions financières?
Le BSIF collabore très activement avec différents organismes de normalisation internationaux, qu'il s'agisse du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (BCBS), du Conseil de stabilité financière (CSF) ou de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance (AICA), pour n'en nommer que quelques-uns.
Nous cherchons vraiment à nous assurer que l'élaboration de ces normes internationales reflète notre perspective canadienne. Mais une fois qu'une norme internationale a été élaborée, nous l'examinons attentivement et nous nous demandons : y a-t-il des adaptations qui auraient du sens lorsque nous envisageons de l'introduire au Canada, pour finalement l'intégrer dans l'une de nos lignes directrices ?
Ensuite, nous examinons de très près les lignes directrices et nous nous demandons : Est-ce que tous les différents éléments de ces lignes directrices sont pertinents pour le Canada ? Devons-nous changer quelque chose ? Devons-nous adapter quelque chose ? Et puis, finalement, nous reflétons plus ou moins ces normes dans nos lignes directrices.
Il y a des avantages à harmoniser les exigences réglementaires pour les institutions financières. En ce qui concerne le risque climatique, le BSIF reconnaît l’importance de ne pas créer une complexité excessive dans ce domaine. C'est pourquoi nous avons mis à jour l'annexe 2-2 de notre ligne directrice B-15 en mars dernier pour l'harmoniser à la version finale de la norme IFRS S2 sur les informations à fournir liées au climat de l'ISSB. Cela rationalise les informations sur le climat et favorise la transparence des risques liés au climat.
Je mets de côté les sujets de l’esclavage moderne et des changements climatiques sur lesquels nous avons avancé au Canada pour nous attarder à ce qui devrait se faire de plus en termes de développements législatifs ou réglementaires pour nous mener vers un monde plus durable. On parle beaucoup de diversité, notamment au sein des conseils d’administration et des équipes de direction des entreprises. On parle de plus en plus également d’impact des activités des entreprises sur le déclin de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes. D’ailleurs, à ce sujet, il faut mentionner la création du Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (ou le TNFD) et la publication en septembre 2023 de recommandations sur la divulgation des questions liées à la nature.
Alors quels sont donc selon vous les grands thèmes ESG qui devraient être à l’agenda au cours des prochaines années pour nous mener vers un monde plus durable?
Je pense que les plans de transition sont quelque chose que les régulateurs examinent à l’échelle internationale. Il s’agit d’un secteur de la surveillance financière qui progresse rapidement. Le BSIF codirige l’équipe de surveillance des plans de transition du Réseau pour le verdissement du système financier (NGFS).
Le but de créer un plan de transition est d’aider les institutions financières à entreprendre l’évaluation de l’impact des risques liés au climat sur leurs plans stratégiques et financiers à court et à long terme et à élaborer un plan pour traiter et atténuer les risques physiques et de transition.
L’équipe du NGFS a récemment publié plusieurs rapports décrivant les complexités impliquées dans la planification de la transition. L’année dernière, l’équipe a publié un rapport décrivant les principales conclusions d’un exercice d’évaluation de l’état actuel des lieux en collaboration avec les régulateurs.
Ces travaux serviront de précieuses ressources pour de nombreux régulateurs du monde entier alors qu'ils travaillent à l'élaboration de leurs propres cadres de plan de transition dans leurs juridictions.
Je crois qu’il est pertinent de mentionner qu’à l’heure actuelle, le BSIF est surtout préoccupé par le risque climatique et il est difficile pour nous d’en dire plus au sujet des ESG.