Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire du Secteur des mesures de réglementation, participe à l’atelier de l’Institut C.D. Howe sur l’excellence en matière de réglementation

Discours - Toronto -

Animateur :

Comment concilions-nous stabilité financière et création de conditions favorables au dynamisme?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • La stabilité financière et le dynamisme sont profondément interreliés, et se renforcent mutuellement. La stabilité – et la confiance qu’elle suscite – est une condition préalable au dynamisme. La confiance envers le système favorise l’innovation, l’investissement et la concurrence, tous essentiels à la croissance. Sans stabilité, le système financier devient imprévisible et risqué, ce qui décourage l’innovation et mine la confiance dans les marchés. La stabilité jette les bases du dynamisme et donne aux institutions l’assurance nécessaire pour prendre des risques calculés et explorer de nouvelles possibilités.
  • Pour atteindre cet équilibre, les organismes de réglementation établissent des attentes claires et prévisibles qui favorisent la stabilité tout en évitant une rigidité inutile. La proportionnalité joue un rôle essentiel, car les règlements sont adaptés à la taille, à la complexité et au profil de risque des institutions, ce qui garantit que les plus petites d’entre elles ne subissent pas de pression réglementaire excessive et que les risques systémiques sont gérés de façon adéquate. La participation des intervenants est tout aussi importante, car elle permet aux organismes de réglementation d’élaborer des politiques qui reflètent une diversité de points de vue et qui soutiennent la compétitivité parallèlement à la stabilité. Les approches fondées sur des principes offrent de la souplesse et aident les institutions à s’adapter aux nouvelles technologies et à l’évolution des conditions de marché tout en leur permettant de maintenir la conformité aux objectifs réglementaires.
  • L’atteinte d’un juste équilibre exige un suivi continu et des ajustements pour suivre l’évolution du paysage financier. La réglementation doit évoluer pour tenir compte des risques émergents sans pour autant étouffer l’innovation ou la croissance. Ce processus itératif garantit que le cadre réglementaire demeure pertinent, efficace et propice à la stabilité et au dynamisme du système financier.

Animateur :

L’approche décisionnelle change-t-elle selon le sous-secteur, par exemple, les banques par rapport aux assureurs?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • Les sous-secteurs, comme les banques et les assureurs, sont réglementés différemment parce qu’ils font face à des risques distincts et ont des caractéristiques uniques. Les banques, par exemple, sont fortement exposées au risque de liquidité et au risque de crédit en raison de leurs activités de dépôt et de prêt, tandis que les assureurs sont principalement confrontés à des risques de souscription et de solvabilité à long terme liés à leurs obligations afférentes aux polices d’assurance. Ces différences nécessitent des approches réglementaires adaptées pour s’attaquer efficacement aux vulnérabilités propres à chaque secteur.
  • Cependant, les institutions financières de tous les sous-secteurs ont aussi des défis communs, comme les menaces liées à la cybersécurité, les liens de dépendance à l’égard des tiers et la nécessité de se doter d’une saine gouvernance. Ces risques communs exigent souvent des politiques intersectorielles plus vastes qui garantissent l’uniformité des normes dans l’ensemble du système financier. Par exemple, les cadres de résilience opérationnelle et les attentes en matière de cybersécurité s’appliquent à toutes les institutions, et reconnaissent que ces risques transcendent les secteurs individuels et exigent une approche unifiée.
  • Parfois, des politiques sectorielles sont nécessaires pour gérer les risques propres à des sous-secteurs particuliers. Par exemple, les normes de fonds propres pour les banques accordent la priorité à la gestion du risque de liquidité et du risque de crédit, tandis que les attentes en matière de capital applicables aux assureurs sont axées sur les coussins de solvabilité pour les passifs à long terme. À l’inverse, les approches fondées sur des principes sont particulièrement utiles pour équilibrer ces différences, car elles permettent aux organismes de réglementation d’adapter les exigences proportionnellement à la taille, à la complexité et au profil de risque de chaque institution. De ce fait, on assure l’équité, la souplesse et un cadre cohérent qui soutient le système financier dans son ensemble.

Animateur :

Comment les organismes de réglementation devraient-ils s’attaquer au fardeau réglementaire imposé au secteur?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • Le fardeau réglementaire, défini comme étant l’effort, le coût, le temps et la perte de souplesse associés au respect des exigences de conformité, devrait être traité de façon réfléchie et proportionnelle. Il n’est pas intrinsèquement négatif; il reflète plutôt les répercussions de la réglementation sur les activités des institutions. Reconnaissant que les institutions financières ont des ressources limitées à affecter, les organismes de réglementation et le secteur ont tous deux intérêt à s’assurer que ces ressources sont déployées efficacement pour gérer les risques les plus importants. Il leur faut donc se concentrer sur les attentes qui permettent de maximiser le « rendement de l’investissement en matière de risque » et de minimiser les contraintes inutiles.
  • La réduction du bruit lié à la réglementation est une étape clé pour alléger ce fardeau. L’élimination de lignes directrices désuètes ou redondantes, comme l’annulation récente d’anciens documents, permet aux institutions de se concentrer sur ce qui compte vraiment. La clarté est tout aussi importante. Des règlements rédigés dans un langage clair et direct réduisent la confusion et font gagner du temps aux institutions et aux organismes de réglementation. De même, en harmonisant les attentes avec la taille, la complexité et le profil de risque des institutions, on s’assure que les plus petites d’entre elles de plus petite taille ne subissent pas de pression réglementaire excessive et les risques systémiques sont gérés de façon adéquate.
  • Enfin, une approche fondée sur des principes offre une souplesse grandement nécessaire, ce qui permet aux institutions d’atteindre les objectifs réglementaires d’une manière qui cadre avec les stratégies et les opérations qui leur sont propres. Cette approche, combinée au dialogue continu entre les organismes de réglementation et le secteur, permet de veiller à ce que les attentes demeurent efficaces, proportionnelles et pertinentes au fil du temps. En mettant l’accent sur la clarté, la proportionnalité et la collaboration, les organismes de réglementation peuvent réduire le fardeau des institutions sans compromettre la sûreté et la solidité du système financier.

Animateur :

Les mandats des organismes de réglementation permettent-ils aux consommateurs de choisir sur le plan de la protection des investisseurs?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • Les organismes de réglementation ne fonctionnent pas en vase clos; bien qu’ils aient le devoir de s’acquitter fidèlement de leur mandat, par exemple, assurer la sûreté, la solidité et la stabilité des institutions financières, ils doivent aussi tenir compte du contexte plus large. L’objectif ultime est d’avoir un secteur des services financiers dynamique et accessible qui sert efficacement la société. Pour les organismes de réglementation prudentielle, cela signifie qu’ils doivent se concentrer sur leurs principales responsabilités tout en reconnaissant que leurs actions influencent la dynamique générale du marché, y compris la confiance des consommateurs et l’accessibilité.
  • Bien que les organismes de réglementation prudentielle accordent souvent la priorité à la stabilité du système, ils peuvent indirectement influer sur le choix des consommateurs au moyen de politiques qui façonnent les produits ou services financiers. Par exemple, en veillant à ce que les institutions demeurent financièrement solides, on peut favoriser la confiance des consommateurs et leur donner accès à des produits fiables. Cependant, des conflits peuvent survenir lorsque les objectifs prudentiels recoupent des objectifs axés sur le consommateur, comme l’abordabilité. Par exemple, l’assouplissement des normes de souscription hypothécaire pour améliorer l’accès à la propriété pourrait déstabiliser le système financier, comme on l’a vu lors de la crise financière de 2008.
  • Il est donc essentiel de maintenir une séparation claire des rôles. Les organismes de réglementation prudentielle doivent demeurer concentrés sur la stabilité et la résilience, tandis que les organismes de protection des consommateurs ou les organismes de réglementation des pratiques commerciales s’occupent directement de l’abordabilité et du choix. La collaboration entre les organismes de réglementation garantit que ces objectifs complémentaires sont atteints sans se nuire mutuellement. Cette approche équilibrée et intégrée vient appuyer un système financier à la fois stable et accessible, qui profite autant aux consommateurs qu’aux institutions.

Animateur :

Dans quelle mesure les analyses coûts-avantages sont-elles pratiques dans le cas de la réglementation?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • Les analyses coûts-avantages peuvent être des outils précieux pour évaluer les règlements, mais leur côté pratique dépend de la façon dont elles sont utilisées. La véritable valeur d’une analyse coûts-avantages réside dans le processus de réflexion critique sur les compromis, les coûts, les avantages et les conséquences imprévues, et non dans l’obtention de résultats précis ou absolus. Se concentrer de façon excessive sur l’obtention de prédictions exactes peut donner un faux sentiment de certitude, surtout dans l’environnement complexe et dynamique de la réglementation financière, où les résultats sont intrinsèquement incertains.
  • Les prévisions météorologiques sont une bonne analogie. Le but d’une prévision n’est pas de prédire la température exacte ou la pluie à un moment précis, mais de se préparer à ce qui pourrait se produire. De même, les analyses coûts-avantages aident les organismes de réglementation à prévoir les répercussions potentielles, à déterminer les compromis clés et à prendre des décisions éclairées. Un investissement trop important dans des estimations précises peut induire en erreur les décideurs, ce qui crée un faux sentiment de sécurité et pourrait faire en sorte que les tendances et scénarios plus généraux qui sont les plus importants pour une réglementation réussie ne soient pas détectés.
  • Dans la pratique, les analyses coûts-avantages sont plus utiles pour les initiatives ciblées dans le cadre desquelles il existe des données fiables, comme l’évaluation des exigences de fonds propres ou de liquidité. Dans le cas de projets réglementaires plus vastes, la réflexion structurée ainsi encouragée est beaucoup plus précieuse que la précision de leurs résultats. En mettant l’accent sur les connaissances générales et en utilisant les analyses coûts-avantages pour orienter les discussions, les organismes de réglementation peuvent élaborer des règlements équilibrés qui maximisent l’incidence tout en réduisant au minimum le fardeau inutile.

Animateur :

Quelles lacunes un cadre de réglementation financière moderne peut-il combler?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • Des lacunes dans un cadre de réglementation financière surviennent lorsque les risques existants ou émergents ne sont pas correctement pris en compte, ce qui rend le système vulnérable. Les organismes de réglementation doivent surveiller ces lacunes en permanence et agir de façon décisive pour y remédier, en veillant à ce que le cadre demeure efficace pour protéger la stabilité et la résilience. Ces lacunes peuvent exister dans les risques actuels, où la réglementation doit être améliorée, ou dans les risques nouveaux et émergents, comme ceux qui découlent des progrès technologiques ou des changements systémiques comme les impacts climatiques. Bien que les mesures de réglementation, comme la mise à jour des attentes et des consignes, soient des outils essentiels, corriger les lacunes exige une approche plus large et plus adaptative.
  • La souplesse du cadre réglementaire en lui-même est essentielle. Un cadre qui peut s’adapter rapidement à des risques changeants permet de veiller à ce que les vulnérabilités soient traitées sans retard important, lesquels pourraient compromettre le système. C’est là que les outils généraux, comme un cadre de gestion du risque de haut niveau, jouent un rôle crucial. Ces politiques fondamentales fournissent une vue d’ensemble des risques à l’échelle de tous les secteurs et permettent une intervention souple qui peut être adaptée au besoin. L’agilité réduit le besoin d’apporter constamment des ajustements réactifs, ce qui rend le cadre plus résilient face aux imprévus.
  • La proportionnalité appuie également les efforts visant à corriger les lacunes en veillant à ce que les attentes sur le plan de la réglementation soient adaptées à la taille, à la complexité et au profil de risque des institutions. Cette approche aide à diriger les ressources là où elles sont le plus nécessaires, et évite de surcharger les plus petites entités tout en permettant de concentrer les efforts sur les risques d’importance systémique. Le fait de combiner surveillance, cadres souples et proportionnalité permet aux organismes de réglementation de pallier efficacement les lacunes et de maintenir un cadre qui est à la fois robuste et sensible à l’évolution du paysage financier.

Animateur :

Où la solution facile se situe-t-elle par rapport à l’analyse plus approfondie?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • La solution facile pour l’amélioration de la réglementation consiste à réduire l’encombrement et à éliminer les consignes désuètes. De nombreux cadres contiennent encore d’anciens documents qui sont redondants, désuets ou qui ne correspondent plus aux risques actuels. En annulant ces documents, les organismes de réglementation peuvent apporter des avantages immédiats, simplifier la conformité et permettre aux institutions de se concentrer sur les exigences de base. Ce type de nettoyage est simple et efficace sur le plan des ressources, et il donne des résultats clairs sans nécessiter d’efforts supplémentaires importants.
  • Toutefois, il est beaucoup plus complexe de s’attaquer à des changements plus profonds et fondamentaux. Lorsque les organismes de réglementation vont au-delà des améliorations progressives pour envisager des modifications plus importantes au cadre réglementaire, les défis se multiplient. Les possibilités de refonte des politiques ou de structures s’élargissent, ce qui complique l’établissement des priorités ou de la façon de procéder. L’analyse requise devient plus complexe, avec des interdépendances et des implications à long terme qui sont difficiles à prévoir. Même une fois que les décisions sont prises, les efforts à déployer pour mettre en œuvre des changements de grande envergure – tant pour l’organisme de réglementation que pour le secteur – peuvent être importants, et exigent la collaboration, la communication et une exécution prudente pour assurer le succès.
  • Une approche équilibrée est essentielle. Bien que l’élimination des consignes désuètes donne des résultats rapides, des améliorations systémiques plus profondes nécessitent une réflexion réfléchie et la participation des parties prenantes. Le plus difficile, ce n’est pas seulement de réaliser une analyse, mais de faire des choix ardus en ce qui concerne les priorités et l’orientation, compte tenu de la complexité croissante. En s’attaquant à la fois aux aspects immédiats et stratégiques, les organismes de réglementation peuvent créer un cadre plus clair et plus adaptable qui répond aux exigences d’un système financier moderne tout en gérant les efforts requis pour y parvenir.

Animateur :

Quel rôle la recherche joue-t-elle dans la détermination des lacunes et des possibilités?

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire :

  • La recherche joue un rôle essentiel dans la détermination des lacunes et des possibilités, car elle permet de s’assurer que les cadres réglementaires sont fondés sur des données probantes, et qu'ils sont ciblés et efficaces. Puisqu’elle repose sur l’analyse des données des relevés réglementaires, des examens de surveillance et des sources externes, la recherche aide à déceler les risques émergents, les vulnérabilités systémiques et les domaines où les règlements existants ne fonctionnent pas. On s’assure ainsi que les interventions réglementaires sont fondées non pas sur des hypothèses, mais bien sur une analyse solide, ce qui augmente leur probabilité de réussite et minimise les conséquences imprévues.
  • En plus de cerner les lacunes, la recherche met également en évidence les possibilités d’innovation et d’efficience au sein du système financier. Par exemple, les études macroéconomiques peuvent révéler comment les tendances du marché, les progrès technologiques ou les développements mondiaux peuvent avoir une incidence sur le secteur financier, ce qui entraîne des ajustements proactifs des politiques de réglementation. Les équipes de surveillance qui effectuent des analyses prospectives et des analyses de scénarios fournissent des renseignements sur les risques futurs, ce qui permet aux organismes de réglementation de prévoir les défis et de s’y préparer plutôt que de se contenter d’y réagir.
  • Enfin, la recherche appuie l’amélioration continue en favorisant la collaboration entre les organismes de réglementation, les intervenants du secteur et les experts universitaires. Cette collaboration aide à faire le lien entre les connaissances théoriques et les réalités pratiques, en veillant à ce que les règlements demeurent pertinents et adaptés. Les structures de gouvernance au sein des organismes de réglementation jouent un rôle essentiel en intégrant ces résultats de recherche dans les décisions en matière de politiques et en favorisant une approche tournée vers l’avenir qui permet de corriger les lacunes et de saisir les occasions de renforcer le système financier.