Renforcement des pratiques de gestion des risques liés aux prêts hypothécaires résidentiels
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Table des matières
1. Objet et portée
Le présent avis s’applique aux institutions financières fédérales et prend effet immédiatement. Publié en réaction à l’environnement de risque accru dans lequel évoluent les prêts garantis par des biens immobiliers (RESL), il vient renforcer les attentes, à savoir assurer l’adoption de saines pratiques de gestion de comptes et de portefeuilles hypothécaires résidentiels.
Cet avis favorise le suivi et la surveillance continus des principaux risques liés aux prêts RESL et s’en inspire. Les institutions doivent l’appliquer en conjonction avec la ligne directrice B-20, Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires résidentiels — plus particulièrement en ce qui concerne la vérification du revenu et les produits hypothécaires à haut risque, comme les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes —, et avec la ligne directrice IFRS 9, Instruments financiers et informations à fournir en ce qui a trait aux hausses importantes du risque de crédit et des provisions pour pertes pour la durée de vie.
Les institutions doivent :
- recenser et redresser de façon proactive les comptes, segments de portefeuille et concentrations vulnérables;
- procéder à des évaluations, des modélisations et des simulations de crise prospectives du risque de crédit pour estimer les éventuelles pertes;
- constater en temps opportun les pertes attendues ou inattendues découlant des vulnérabilités des comptes ou de changements défavorables dans l’environnement de risque.
2. Contexte
Le fort taux d’endettement des ménages, l’inflation et des taux d'intérêt plus élevés ont concouru à une augmentation des risques liés aux prêts RESL. Un grand nombre d’emprunteurs sont déjà confrontés à une hausse de leurs remboursements hypothécaires périodiques, alors que d’autres connaîtront un choc de paiement au moment du renouvellement de leur prêt ou avant s’ils souhaitent revenir à l’amortissement contractuel initial.
Ces risques peuvent conduire à d’autres défauts de paiement et ils sont particulièrement importants dans le cas des emprunteurs ayant souscrit des produits hypothécaires à haut risque, tels les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes.
En outre, l’activité de souscription de prêts hypothécaires résidentiels est exposée au risque de fraude et d’informations trompeuses. S’il n’est pas géré de façon responsable, ce risque pourrait entraîner des pertes élevées et inattendues de crédit.
La constatation de l’augmentation des risques liés aux prêts RESL a été communiquée dans le Regard annuel du BSIF sur le risque – Exercice 2023-2024 et dans le Regard annuel du BSIF sur le risque – Mise à jour semestrielle. Le BSIF a pris en compte ces risques lors des récentes mises à jour de ses lignes directrices sur les fonds propres ainsi que lors de la révision des Normes de fonds propres, exigeant des institutions qu’elles détiennent des fonds propres additionnels au titre des prêts hypothécaires lorsque les paiements sont insuffisants pour couvrir les intérêts du prêt.
3. Gestion proactive des comptes et des portefeuilles
3.1 Politiques, systèmes, processus et contrôles de gestion des prêts rigoureux
Les institutions doivent avoir en place :
- des politiques efficaces pour gérer le risque dans le cadre de leur fonction de gestion des prêts, en tenant compte du risque affectant les comptes et celui pesant sur les portefeuilles
Cela peut comprendre un ou plusieurs documents, notamment les politiques de souscription de prêts hypothécaires résidentiels de l’institution qui traitent de l’émission, de la souscription et de l’acquisition de prêts et qui sont décrites dans la <a data-entity-substitution="canonical" data-entity-type="node" data-entity-uuid="ded06208-6c18-464a-87f0-0190ca05a44c" href="/fr/node/574">ligne directrice B-20</a>. et en accord avec leur propension à prendre des risques et leur gouvernance générale des risques; - un solide système de suivi pour pouvoir déceler rapidement et gérer les comptes et les segments de portefeuille vulnérables — y compris les dérogations aux politiques de souscription de prêts hypothécaires résidentiels — à l’échelle de la dimension du risque concernée (par exemple, emprunteur, bien immobilier, produit, canal d’émission, marché local et indicateurs économiques généraux);
- des données sur les risques qui sont actualisées régulièrement et qui reflètent l’environnement de risque actuel;
- une structure et une segmentation détaillées des limites des portefeuilles, qui tiennent compte des risques élevés et des couches et concentrations de risques;
- un calibrage réaliste des limites qui prend en compte l’utilisation réelle des prêts, les résultats de simulations de crise et d’analyses de scénarios et les changements dans l’environnement externe;
- une gestion éclairée du risque de crédit qui comprend l’évaluation, la modélisation et la simulation de crise continues du risque de crédit afin de décider des mesures à prendre pour bien gérer les comptes et les portefeuilles, sans oublier les limites de concentration et des réserves pour absorber les éventuelles pertes;
- une fonction indépendante chargée de la révision des dossiers de prêt et qui facilite l’évaluation continue des processus de gestion du risque de crédit en participant au recensement des comptes et des segments de portefeuille vulnérables et des lacunes dans la gestion et la souscription des comptes et leur conformité
Bien que les pratiques varient, la fonction de révision des dossiers de prêt doit être, autant que possible, indépendante des fonctions d’émission et de souscription des prêts. Lorsque cela n’est pas possible, il faut mettre en place des mesures de protection pour permettre à la fonction de procéder à une évaluation objective. ; - des rapports opportuns, complets et exploitables à l’intention du conseil d’administration et de la haute direction, qui portent sur les risques affectant les comptes et les portefeuilles, ainsi que des processus garantissant la prise de mesures de suivi adéquates.
3.2 Gestion proactive et durable des comptes vulnérables
Les institutions doivent entreprendre les activités suivantes :
- Engager d’entrée de jeu un dialogue proactif avec les emprunteurs vulnérables pour discuter d’éventuelles mesures de tolérance, y compris l’étendue des concessions temporaires ou permanentes que les institutions peuvent accorder dans différentes situations de difficulté financière
Par « mesures de tolérance », on entend une concession temporaire ou permanente qu’un prêteur accorde à un emprunteur en raison de ses difficultés financières et qu’il n’accorderait pas autrement compte tenu des conditions du marché. . - Recenser et gérer les comptes vulnérables, en se servant de seuils pertinents (par exemple, échéance à court terme, prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes, taux ou point critique et premiers retards de paiement).
- Évaluations prudentes, au regard des mesures de tolérance, de la capacité des emprunteurs de rembourser leur emprunt sur une période raisonnable. Les concessions doivent être bien structurées et ne doivent pas masquer les difficultés financières; elles doivent aussi être assujetties à des limites bien définies par écrit et faire l’objet d’examens au regard de la propension à prendre des risques.
- Application juste et judicieuse des mesures de tolérance en conformité avec la Ligne directrice sur les prêts hypothécaires existants des consommateurs dans des circonstances exceptionnelles de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.
Les institutions doivent avoir en place :
- des mesures de tolérance qui favorisent le remboursement des dettes à terme et qui réduisent au minimum la possibilité de chocs financiers à long terme au niveau des comptes et des portefeuilles. Pour être jugées raisonnables, les mesures de tolérance doivent préserver la réputation et la résilience financière de l’institution;
- une fonction de gestion des défauts de paiement et de recouvrement des mauvaises créances de taille variable et bien dotée en ressources pour faire face aux hausses cycliques du nombre de comptes vulnérables et de prêts susceptibles de ne pas être remboursés.
4. Provisions adéquates pour pertes de crédit
Les institutions doivent :
- prendre en considération les informations prospectives en modifiant au besoin leur modélisation des pertes de crédit attendues. Il faut faire preuve d’un jugement éclairé en matière de crédit pour corriger les données de sortie des modèles lorsque les facteurs de risque ne sont pas adéquatement pris en compte dans les cotes de risque et les processus de modélisation;
- constater de façon opportune et complète et bien communiquer l’augmentation du risque de crédit, que celle-ci soit au niveau des comptes ou des portefeuilles, après avoir effectué une analyse rigoureuse de l’exposition de l’institution;
- procéder à une analyse approfondie de l’augmentation du risque de crédit, plus particulièrement à l’égard des segments de compte vulnérables, et recenser et analyser :
- les couches de risque afin d’isoler les segments du portefeuille à haut risque;
- les comptes dont l’amortissement est négatif ou a fait l’objet d’une prolongation;
- les projections de chocs et de défauts de paiement à court terme (moins de deux ans) et à moyen terme (deux ans ou plus).
- constater de façon opportune et complète les pertes pouvant découler de modifications relatives aux prêts (par exemple, les mesures de tolérance et les autres concessions);
- savoir que les amortissements négatifs ou prolongés sont considérés comme un facteur déterminant d’une augmentation importante du risque de crédit et nécessitent donc, selon le cas, un relèvement des provisions.
5. Saines pratiques de souscription de prêts hypothécaires
5.1 Vérification minutieuse du revenu
Les institutions doivent :
- appliquer des pratiques rigoureuses de vérification du revenu des emprunteurs et prendre en compte la pérennité de leur revenu, leur résilience et la possibilité de fraude ou d’informations trompeuses;
- exercer une diligence raisonnable et appliquer une expertise appropriée à l'égard des revenus étrangers, y compris en tenant compte des dépenses ou des passifs contractés à l’étranger.
5.2 Examen attentif des produits hypothécaires à haut risque
Les institutions doivent :
- évaluer la capacité de remboursement des emprunteurs et leur volonté de reconnaître et de gérer le risque de taux d’intérêt, par exemple au moyen d’une augmentation des paiements périodiques ou par le versement d’une somme forfaitaire;
- tenir compte du risque d’amortissement, y compris la possibilité d’un amortissement négatif ou prolongé de façon temporaire, et avoir en place des processus de recensement et d’atténuation précoces;
- s’assurer que les décisions en matière de sélection de produits respectent les lois de protection du consommateur, y compris toute loi en matière de protection des consommateurs de produits et services financiers ainsi que la Ligne directrice sur les produits et services convenables pour les banques et les banques étrangères autorisées de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.