Saine gestion des instruments dérivés à l’intention des régimes de retraite privés fédéraux
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Table des matières
Introduction
La présente ligne directrice décrit les facteurs que, selon le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), les administrateurs de régimes de retraite privés fédéraux doivent prendre en compte dans l’élaboration de politiques et de procédures pour garantir la gestion rigoureuse des risques associés aux activités liées à des instruments dérivés. Même si les instruments dérivés peuvent atténuer efficacement les risques, le cadre général de gestion des risques d’un régime de retraite doit permettre de cerner, mesurer, surveiller et contrôler les risques qui leur sont associés.
Les administrateurs de régime doivent aussi considérer la façon dont la ligne directrice s’applique à leur régime de retraite, compte tenu des objectifs d’investissement et de la tolérance au risque du régime, ainsi que d’autres facteurs pertinents. Par souci de prudence, certains régimes pourraient devoir appliquer des pratiques et des procédures plus rigoureuses que d’autres, et un administrateur pourrait déterminer que les opérations sur dérivés ou certains types de dérivés ne conviennent pas à un régime de retraite donné. Il revient à l’administrateur du régime de prendre cette décision.
1.0 Définition
Les instruments dérivés sont des contrats financiers ou de marchandises, dont le cours, la valeur ou les obligations de livraison, de paiement ou de règlement se fondent sur un intérêt sous-jacent, y renvoient ou endépendent. La valeur peut être déterminée au moyen des fluctuations de l’intérêt sous-jacent, par exemple, actions, obligations, marchandises, devises, taux d’intérêt et indices du marché. Les instruments dérivés englobent un large éventail de contrats financiers ou de marchandises, notamment les contrats à terme de gré à gré, les contrats à terme, les swaps et les options.
Un contrat sur instruments dérivés est conclu entre deux parties appelées « contreparties » qui sont assujetties à un ensemble convenu de modalités qui déterminent leurs droits et leurs obligations aux termes du contrat.
Un contrat sur instruments dérivés peut être conclu en bourse ou par l’entremise d’un accord de gré à gré.
- Instruments dérivés négociés en bourse : Instruments négociés en bourse dont l’échéance, la taille du contrat et les modalités de livraison sont habituellement normalisées et qui sont compensés par une contrepartie centrale (CC). La CC est une entité qui s’interpose entre les contreparties à des contrats sur un marché de capitaux et qui devient ainsi l’acheteur auprès de chaque vendeur et le vendeur auprès de chaque acheteur. Elle devient partie à des négociations avec les participants du marché par une convention exécutoire. Divers mécanismes, dont la compensation multilatérale des expositions et la fourniture de sûretés, atténuent grandement le risque de crédit de contrepartie pesant sur les membres compensateurs à l’égard de la CC.
- Instruments dérivés négociés de gré à gré : Instruments négociés en privé dont les modalités particulières sont établies et acceptées par les parties à l’accord. Ces instruments ne sont pas négociés en bourse. Les parties à un contrat visant ce type d’instruments peuvent négocier des modalités particulières selon leurs préférences à l’égard du risque, ce qui n’est pas le cas pour les instruments dérivés négociés en bourse. Les instruments dérivés négociés de gré à gré peuvent faire l’objet d’une négociation directe entre deux contreparties ou d’une compensation par une CC :
- Dans le cas d’un contrat sur instruments dérivés négocié de gré à gré compensé par une CC, le risque de crédit de contrepartie (soit le risque que l’autre partie ne s’acquitte pas de ses obligations contractuelles) est grandement atténué par la présence de la CC et les mesures d’atténuation du risque connexes, comme la compensation et la fourniture de sûretés.
- Dans le cas d’un contrat sur instruments dérivés négocié directement par les parties et non compensé par une CC, chaque partie est exposée au risque de crédit de contrepartie de l’autre partie (et non au risque de crédit de contrepartie grandement atténué par le recours à une CC).
La présente ligne directrice traite des dérivés négociés en bourse et de gré à gré.
2.0 Utilisation des instruments dérivés
Utilisés avec prudence, les instruments dérivés peuvent fournir aux administrateurs de régime des moyens efficients et efficaces de mettre en œuvre des stratégies de gestion des risques qui peuvent atténuer les risques liés aux actifs ou à la situation de capitalisation qui sont associés à l’évolution d’un éventail de variables financières, dont les taux de change, les taux d’intérêt, les indices boursiers et les prix des marchandises. L’administrateur peut aussi utiliser les instruments dérivés à d’autres fins comme la spéculation, le rééquilibrage de portefeuille et à des fins de liquidité. Par exemple, l’administrateur de régime peut effectuer une opération sur dérivés afin de couvrir une partie du risque de taux d’intérêt inhérent aux éléments de passif ou de prendre position sur les changements des taux d’intérêt, les monnaies, les titres et les prix des marchandises. Les instruments dérivés peuvent aussi exposer le fonds de pension à un effet de levier plus important et amplifier aussi bien les rendements que les pertes potentielles. L’administrateur de régime doit être au fait des risques avant de conclure un contrat sur instruments dérivés.
L’utilisation d’instruments dérivés, surtout à des fins de gestion des risques, peut être efficace et convenir parfaitement à un régime de retraite. Comme pour toute autre activité porteuse de risques, les expositions aux risques prises en charge par l’intermédiaire d’opérations sur instruments dérivés du régime doivent refléter le niveau de tolérance au risque du régime et du fonds de pension. Le recours aux instruments dérivés doit être pris en considération non pas en vase clos, mais dans l’optique de la stratégie globale de gestion des risques et des investissements du fonds de pension. L’administrateur de régime doit aussi tenir compte des différences entre les instruments dérivés négociés en bourse et ceux négociés de gré à gré en ce qui touche la normalisation, le risque de crédit, la transparence, la liquidité et les coûts.
La présente ligne directrice décrit les facteurs que, selon le BSIF, les administrateurs de régimes de retraite privés fédéraux doivent prendre en compte dans l’élaboration de politiques et de procédures pour garantir la gestion rigoureuse des risques associés aux activités liées à des instruments dérivés. Bien qu’elle soit axée sur les saines pratiques ayant trait aux investissements dans des instruments dérivés, elle peut se révéler utile à l’égard d’autres instruments financiers (p. ex., les accords de cession en pensionNote de bas de page 1 ) qui peuvent présenter certains risques identiques. Les administrateurs de régime devraient envisager d’avoir recours à des processus prudentiels et de gestion du risque semblables à l’égard de ces instruments financiers afin de se protéger des risques apparentés semblables.
Selon le type d’opération sur instruments dérivés et sa complexité, les administrateurs sont invités à intégrer au besoin des normes et des mécanismes de contrôle plus rigoureux au cadre de gestion interne des risques de leur régime. Comme l’indique la section suivante, l’utilisation d’instruments dérivés par un administrateur de régime doit être guidée par son devoir d’administrer le régime et le fonds de pension avec prudence.
3.0 Norme de prudence pour l’investissement des actifs d’un régime de retraite
Les paragraphes 8(4) et 8(4.1) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (LNPP) imposent à l’administrateur d’un régime de retraite une norme de prudence à titre de fiduciaire en ce qui touche l’administration du régime de retraite et du fonds de pension. Le paragraphe 8(4.1) de la LNPP énonce une norme de « personne prudente » en vertu de laquelle l’administrateur d’un régime de retraite doit investir les actifs du fonds de pension conformément au Règlement de 1985 sur les normes de prestation de pension (RNPP) et adopter la pratique qu’une personne prudente suivrait dans la gestion d’un portefeuille de placements de fonds de pension. La LNPP prévoit en outre que l’administrateur qui a ou devrait avoir, compte tenu de sa profession ou de son entreprise, des connaissances ou aptitudes utiles en l’occurrence est tenu de les mettre en œuvre dans la gestion du régime ou du fonds de pension.
L’un des principaux éléments de la norme de prudence est son insistance sur l’exercice d’une diligence raisonnable. Les administrateurs de régime doivent donc comprendre, suivre et atténuer les risques associés aux opérations sur instruments dérivés. L’exercice de cette prudence consiste notamment à prendre des décisions fondées sur une analyse appropriée de renseignements adéquats, et à documenter les facteurs considérés et le fondement de la décision d’effectuer une opération sur instruments dérivés. L’administrateur de régime qui effectue une opération sur instruments dérivés doit considérer en quoi l’instrument dérivé est conforme à l’énoncé des politiques et des procédures de placement du régime, le rôle que joue l’opération sur instruments dérivés en question dans l’ensemble du portefeuille de placements et de la stratégie de placement du régime, et l’exposition potentielle du régime à des pertes découlant de l’opération sur instruments dérivés. Après analyse de l’information pertinente, l’administrateur de régime peut arriver à la conclusion que les dérivés ou certains types de dérivés ne conviennent pas au régime.
4.0 Gestion des risques liés aux instruments dérivés
4.1 Énoncé des politiques et des procédures de placement
Le paragraphe 7.1(1) du RNPP oblige l’administrateur de régime à établir par écrit un énoncé des politiques et des procédures de placement (EPPP). L’EPPP énonce les grands objectifs, les politiques et les procédures de gestion des placements du fonds de pension. En vertu du RNPP, l’EPPP doit préciser les politiques et les procédures traitant de certaines questions touchant les placements, notamment « les catégories de placements et de prêts, y compris les produits dérivés, les options et les contrats à terme » dans lesquels le régime de retraite investitNote de bas de page 2.
Conformément au paragraphe 7.2(1) du RNPP, l’administrateur revoit et confirme ou modifie l’EPPP à l’égard du portefeuille de placements et de prêts du régime au moins une fois par exercice.
4.2 Politiques et procédures documentées
Outre l’EPPP du régime de retraite, les administrateurs de régime doivent aussi envisager d’élaborer et de consigner par écrit des politiques et des procédures détaillées sur l’utilisation des instruments dérivés dans le cadre global de gestion des risques du régime. Ce cadre doit énoncer les risques importants que posent les activités liées aux instruments dérivés, en évaluer l’effet potentiel et inclure des politiques et des procédures afin de gérer efficacement ces risques.
Le contenu du cadre de gestion des risques variera selon le régime, et le niveau de détail doit refléter la complexité et le volume des activités liées aux instruments dérivés du régime. Les administrateurs de régime voudront sans doute obtenir l’avis d’experts pour établir leurs politiques et procédures de gestion des risques liés aux instruments dérivés.
En ce qui concerne l’utilisation d’instruments dérivés, le cadre de gestion des risques du régime de retraite doit :
- indiquer qui peut conclure des opérations sur instruments dérivés pour le compte du régime de retraite;
- décrire en détail les stratégies autorisées d’investissement dans des instruments dérivés, par exemple, si une stratégie vise la couverture de risques, le rééquilibrage du portefeuille, les besoins de liquidité ou le rendement;
- définir clairement les attributions relatives à la supervision des activités liées aux instruments dérivés du régime de retraite;
- limiter adéquatement la prise de risques à l’égard des instruments dérivés en fonction de la tolérance du régime de retraite au risque;
- consigner par écrit les politiques et les procédures qui visent à cerner, à surveiller et à signaler les risques associés aux opérations sur instruments dérivés, dont la simulation de crise,ainsi que les stratégies pour atténuer les risques opérationnels, de marché et de crédit;
- consigner par écrit les politiques et les procédures qui visent à cerner et à évaluer les coûts associés aux opérations sur instruments dérivés;
- prévoir un examen à tout le moins annuel du cadre de gestion des risques pour en mesurer l’efficacité et veiller à ce qu’il demeure conforme aux objectifs d’investissement du régime, à sa situation financière et à sa tolérance au risque, surtout à la lumière de circonstances changeantes.
5.0 Types de risques et techniques d’atténuation des risques
Les sections suivantes décrivent les principaux risques associés aux opérations sur instruments dérivés, de même que les pratiques exemplaires pour atténuer ces risques. Ces pratiques exemplaires s’appliquent lorsqu’un administrateur de régime effectue une opération sur instruments dérivés ou qu’un gestionnaire externe des placements s’est vu déléguer le pouvoir d’effectuer de telles opérations pour le compte de l’administrateur. Avant de déléguer à un gestionnaire externe des placements le pouvoir d’effectuer des opérations sur instruments dérivés, l’administrateur doit prendre les mesures voulues pour s’assurer que le gestionnaire établisse des pratiques exemplaires d’atténuation des risques.
Le degré de précision de l’approche d’atténuation des risques doit être proportionnel à l’utilisation que fait le régime des instruments dérivés et à la complexité des opérations sur instruments dérivés qui sont effectuées. Les pratiques exemplaires décrites ci‑après pour l’atténuation des différents risques doivent être prises en considération par l’administrateur de régime et consignées au besoin dans le cadre de gestion des risques du régime de retraite.
6.0 Risque de marché
Le risque de marché s’entend du risque de perte financière découlant d’une détérioration de la valeur marchande (prix) de l’actif ou de l’instrument de référence qui sous‑tend l’opération sur instruments dérivés. De nombreux facteurs peuvent influer sur le risque de marché, notamment les fluctuations des taux d’intérêtoude change, les écarts de crédit, les cours des actions et les prix des marchandises. L’administrateur de régime doit accorder une attention particulière aux opérations sur instruments dérivés dans lesquelles intervient un effet de levier puisqu’elles peuvent accroître le risque de marché en amplifiant les pertes.
6.1 Atténuation du risque de marché
Pour gérer le risque de marché, les administrateurs de régime devraient envisager les mesures suivantes :
Suivi du risque de marché et de l’effet de levier
Les opérations sur instruments dérivés peuvent exposer un régime de retraite au risque de marché provenant de diverses sources, et le montant de l’exposition peut largement dépasser l’investissement initial du régime. L’effet de levier important de certains instruments dérivés peut faire augmenter le risque de marché. Par exemple, une légère fluctuation de la valeur de l’intérêt sous-jacent pourrait faire grandement fluctuer la valeur de l’instrument dérivé. La valeur d’un instrument dérivé ayant un effet de levier pourrait ainsi être très volatile.
Les administrateurs de régime doivent veiller à ce que toutes les opérations sur instruments dérivés faisant appel à l’effet de levier soient comprises et fassent l’objet d’une gestion et d’un suivi rigoureux pour éviter les risques indus. Il faut établir, à l’égard de l’ampleur du levier que le fonds de pension peut obtenir au moyen d’opérations sur instruments dérivés, des limites conformes à l’exposition maximale autorisée par le cadre de gestion des risques du régime de retraite. Lorsqu’ils établissent des limites sur le recours à l’effet de levier, les administrateurs de régime doivent tenir compte de l’exposition globale du régime du fait de toutes les stratégies de placements à effet de levier qu’il a adoptées. Ces limites permettront à l’administrateur de régime d’évaluer la perte financière maximale pour le fonds de pension dans des conditions de marché extrêmes. Toutes les parties autorisées à effectuer des opérations sur instruments dérivés pour le compte du régime doivent bien connaître ces limites. Les administrateurs de régime doivent envisager avec prudence de recourir à l’effet de levier lorsqu’ils utilisent des instruments dérivés puisque les pertes peuvent être supérieures aux sommes investies dans ces instruments.
Mesure des prix et de la valeur
La fréquence à laquelle les opérations sur instruments dérivés d’un régime de retraite devraient être évaluées et déclarées varie selon la nature et la mesure dans laquelle le régime a recours aux instruments dérivés. Elle doit par ailleurs tenir compte de la volatilité des prix et de l’horizon chronologique des opérations sur instruments dérivés qui sont évaluées.
En ce qui concerne les instruments dérivés négociés de gré à gré et non compensés centralement, les administrateurs de régime ne doivent pas s’en remettre à la contrepartie seule pour déterminer la valeur de l’instrument dérivé. Ils doivent envisager d’obtenir des intrants d’évaluation indépendants et être en mesure de les intégrer à leurs propres modèles d’évaluation afin de déterminer les mesures des prix et de la valeur. L’évaluation peut être réalisée à l’interne par l’administrateur du régime s’il a les compétences nécessaires, ou être confiée à un tiers, par exemple le dépositaire ou le titulaire du fonds. Les administrateurs peuvent aussi tenter d’utiliser les méthodes sectorielles standard comme l’approche de la valeur à risqueNote de bas de page 3, l’exposition future potentielle ou d’autres types de mesures. Ces mesures devraient être continuellement évaluées de façon indépendante. La mesure du risque employée par l’administrateur de régime doit être suffisamment précise et rigoureuse. Le processus d’évaluation des instruments dérivés devrait être intégré au cadre de gestion des risques du régime.
Suivi du risque de base
Le risque de base s’entend de la possibilité que le changement de valeur de l’instrument dérivé utilisé aux termes d’une stratégie de couverture ne corresponde pas au changement du prix de l’intérêt censé être couvert. Cela peut se produire en raison de la façon dont la couverture est construite et des modalités du contrat sur instruments dérivés qui ont servi à mettre en œuvre la stratégie de couverture.
Avant d’établir une stratégie de couverture, l’administrateur de régime doit en évaluer l’efficacité et, une fois la stratégie en place, la surveiller au regard des sources potentielles de risque de base. Par exemple, l’administrateur peut mettre en œuvre une stratégie de placement en fonction du passif selon laquelle la sensibilité des éléments d’actif du régime aux taux d’intérêt correspond à celle du passif. Cela peut se faire en utilisant des instruments dérivés pour établir une stratégie de superposition d’instruments dérivés. Une telle stratégie assure au régime la correspondance voulue sans qu’il soit nécessaire de modifier les portefeuilles de placements, dont l’exposition du fonds à des actifs qui sont sources de rendement, telles des actions. Du point de vue d’un régime de retraite, un gain réalisé sur une opération sur instruments dérivés attribuable à une diminution des taux d’intérêt compensera l’augmentation éventuelle du passif du régime. En revanche, advenant une hausse du taux d’intérêt, une perte issue d’une opération sur instruments dérivés sera compensée par la dépréciation du passif du régime. La stratégie de superposition pourrait être exposée au risque de base dans la mesure où le taux d’intérêt sur lequel la valeur du contrat sur instruments dérivés est établie diffère des taux d’intérêt utilisés pour déterminer la valeur du passif du régime de retraite. Il y aurait donc le risque que les mouvements dans les couvertures fondées sur les instruments dérivés ne compensent pas les mouvements dans le passif du régime. Le risque de base peut réduire considérablement l’efficacité d’un contrat de couverture (p. ex. si l’expérience d’un régime de retraite est telle que son passif augmente davantage que la valeur des contrats sur instruments dérivés).
7.0 Risque de crédit de contrepartie
Le risque de crédit de contrepartie traduit l’incapacité ou le refus éventuel d’une contrepartie de s’acquitter de ses obligations aux termes d’un contrat sur instruments dérivés. Lorsque l’administrateur de régime effectue une opération sur instruments dérivés négociés de gré à gré et non compensés centralement, il prend le risque que sa contrepartie se retrouve en défaut, et que cela entraîne la perte d’exposition au marché ou de couverture provenant de l’opération sur instruments dérivés et, peut‑être, de tout gain non réalisé issu de contrats ouverts sur instruments dérivés. Une gestion prudente du risque de contrepartie peut aider à réduire le risque de perte en cas de défaut de la contrepartie.
Comme indiqué dans la section 1, le risque de crédit de contrepartie est atténué dans le cas des opérations sur instruments dérivés qui sont compensées par une CC. Lorsqu’une opération sur instruments dérivés est compensée par une CC, les contreparties initiales ne sont plus la contrepartie de l’une et de l’autre; chacune hérite plutôt de la CC comme contrepartie. Divers mécanismes, dont la compensation multilatérale des expositions et la fourniture de sûretés, atténuent grandement le risque de crédit de contrepartie pesant sur les membres compensateurs à l’égard de la CC.
7.1 Atténuation du risque de crédit de contrepartie
Pour gérer le risque de contrepartie, les administrateurs de régime devraient envisager les mesures suivantes :
Évaluations du crédit
Le risque de contrepartie peut être géré grâce à une mesure appropriée des expositions, à un suivi continu, à l’évaluation des contreparties en temps opportun et à de saines pratiques opérationnelles. Avant de conclure un contrat sur instruments dérivés négociés de gré à gré et non compensés centralement, les administrateurs de régime doivent procéder à une évaluation exhaustive du crédit de chacune des contreparties proposées. Des limites de crédit doivent être établies pour chaque contrepartie en tenant compte de facteurs comme la solvabilité de la contrepartie proposée et la mise en place ou non de conventions de sûreté. Une pratique exemplaire consiste à diversifier l’exposition aux contreparties en limitant la concentration des positions sur instruments dérivés par contrepartie et en s’assurant que tout risque de crédit de contrepartie est atténué au moyen de marges et de sûretés adéquates.
Gestion des sûretés
Afin d’atténuer le risque de crédit de contrepartie, les administrateurs de régime peuvent envisager de conclure des ententes de fourniture de sûretés avec leurs contreparties.
Comme nous l’avons déjà mentionné, Les instruments dérivés négociés de gré à gré quine sont pas compensés par une CC affichent généralement un plus grand risque de crédit de contrepartie que ceux compensés par une CC. Le risque de crédit de contrepartie des instruments dérivés négociés de gré à gré peut être atténué grâce à l’utilisation de documents officiels, dont une convention-cadre de l’International Swaps and Derivatives Association (ISDA) et des annexes sur le soutien du crédit, le cas échéant. La convention-cadre de l’ISDA énonce les modalités juridiques et de crédit types régissant les opérations sur instruments dérivés.
Les administrateurs de régime doivent également veiller au respect des exigences des organismes de réglementation des valeurs mobilières, des contreparties centrales et de toute autre entité pertinente. Les politiques et les procédures du cadre de gestion des risques du régime de retraite doivent notamment :
- permettre à l’administrateur de régime de conclure des conventions de sûretés et de prévoir le transfert de sûretés en vertu d’un contrat sur instruments dérivés;
- limiter les opérations à celles effectuées avec des contreparties de grande qualité;
- définir les types de sûretés acceptables;
- indiquer la fréquence d’évaluation des sûretés;
- limiter l’utilisation des sûretés données en garantie;
- régir la ségrégation et le maintien des sûretés;
- régir la gestion des sûretés pour éviter que la composition du portefeuille des placements sous‑jacent du régime de retraite ne soit affectée.
Accords de compensation
Une façon pour les administrateurs de régime d’atténuer le risque de crédit de contrepartie est de consolider les diverses opérations sur instruments dérivés qui sont exécutées avec une contrepartie donnée au moyen d’un mécanisme de compensation de liquidation. Il s’agit de conclure avec chacune des contreparties un accord‑cadre (comme celui de l’ISDA) qui prévoit des accords de compensation appropriés. La compensation désigne la cessation ou l’annulation d’obligations réciproques individuelles et leur remplacement par une seule obligation de paiement. Grâce à de telles dispositions de compensation, si des événements susceptibles de miner la capacité de la contrepartie de s’acquitter de ses obligations devaient survenir, ces accords prévoient la consolidation de multiples obligations entre deux parties et leur conversion en une seule obligation nette, qui atténue généralement l’exposition à une perte.
Les administrateurs de régime doivent contrôler et surveiller les expositions des instruments dérivés au risque de crédit de contrepartie sur une base nette seulement après avoir effectué un examen juridique suffisant (p. ex., obtenir un avis juridique) pour garantir le caractère exécutoire d’un accord de compensation de liquidation. L’administrateur de régime doit être en mesure de prouver qu’il a fait preuve de la diligence raisonnable appropriée pour évaluer le caractère exécutoire des accords de compensation en place.
8.0 Risque de liquidité
Les administrateurs de régime doivent composer avec deux types de risque de liquidité :
- Risque de liquidité du marché : risque que l’administrateur de régime ne puisse liquider ou compenser une position assez rapidement ou à un prix raisonnable. Cette incapacité peut découler du manque de profondeur du marchéNote de bas de page 4 ou d’une situation de tension sur le marché.
- Risque de liquidité du financement : risque que l’administrateur de régime ne puisse s’acquitter des obligations à l’égard des flux de trésorerie futurs découlant de ses opérations sur instruments dérivés, comme la réponse aux appels de marge. La fluctuation de l’évaluation à la valeur de marché d’instruments dérivés peut mener à l’obtention de sûretés ou à la nécessité d’en fournir quotidiennement, selon qu’il s’agit d’instruments dérivés négociés en bourse ou de gré à gré. L’administrateur de régime doit donc s’assurer de disposer de sûretés liquides admissibles en quantité suffisante pour répondre à d’éventuels appels de marge ou de sûreté, et pouvoir compter sur les ressources opérationnelles et de gestion nécessaires pour gérer ces opérations.
8.1 Atténuation du risque de liquidité
Le cadre de gestion des risques du régime de retraite doit traiter des processus et des procédures de gestion du risque de liquidité. Ces processus et procédures doivent notamment :
- considérer la profondeur du marché de l’opération sur instruments dérivés avant que cette dernière ne soit exécutée;
- suivre en permanence la profondeur du marché des opérations sur instruments dérivés;
- veiller à ce que, si une sûreté est fournie en garantie, la liquidité du fonds de pension ne soit pas compromise et que le profil de risque global du fonds n’en souffre pas;
- veiller à ce que des réserves de liquidités suffisantes et des instruments en équivalent de trésorerie soient maintenus dans le fonds de pension pour répondre à la demande potentielle de sûretés.
9.0 Risque opérationnel
Le risque opérationnel correspond au risque de pertes attribuables à des employés, résultant de carences ou de défauts attribuables à des procédures et systèmes internes ou attribuables à des événements extérieurs. Ce risque touche particulièrement les activités liées aux instruments dérivés en raison de la nature complexe et de l’évolution rapide de certaines stratégies sur instruments dérivés. Le risque opérationnel englobe également le risque juridique, soit le risque qu’un contrat sur instruments dérivés ne soit pas exécutoire. Les facteurs suivants contribuent au risque juridique :
- la capacité juridique et le pouvoir d’une contrepartie de conclure un contrat sur instruments dérivés;
- le caractère déficient ou inexécutable de la documentation relative au contrat sur instruments dérivés;
- la non‑conformité de l’opération sur instruments dérivés aux exigences réglementaires.
9.1 Atténuation du risque opérationnel
Les contrôles en place pour gérer le risque opérationnel doivent être proportionnels à l’ampleur et à la complexité de l’activité liée aux instruments dérivés. Avant de conclure une opération sur instruments dérivés, l’administrateur d’un régime doit s’assurer de l’existence de processus et de procédures qui prévoient :
- que les systèmes et la capacité opérationnelle peuvent composer avec les types d’opérations sur instruments dérivés que l’administrateur du régime compte effectuer;
- que tous les détails pertinents des opérations sur instruments dérivés sont consignés;
- que l’on dispose d’effectifs suffisants ayant l’expertise nécessaire pour traiter le volume et les types d’opérations sur instruments dérivés que l’administrateur de régime peut effectuer;
- que les employés qui participent à la prise de décisions sur le recours aux instruments dérivés reçoivent de la formation continue;
- que les méthodes d’évaluation des positions et les hypothèses qui sous‑tendent les méthodes d’évaluation sont raisonnables.
Avant d’effectuer une opération sur instruments dérivés négociés de gré à gré, l’administrateur de régime doit s’assurer que la contrepartie dispose des pouvoirs juridiques et réglementaires requis pour conclure l’opération. L’administrateur doit également être d’avis que les modalités de l’opération sont adéquatement consignées et exécutoires. Cela est particulièrement important en ce qui a trait aux dispositions concernant le moment de la cessation des opérations en cours et le calcul des montants des règlements payables aux parties ou entre les parties à la cessation de l’opération sur instruments dérivés. Pour obtenir l’assurance du bien-fondé juridique de leurs opérations, les administrateurs de régime doivent accepter par écrit toutes les modalités importantes régissant leur relation de négociation avec leur contrepartie avant ou au moment d’exécuter un instrument dérivé négocié de gré à gré.
Conformité à la réglementation
La crise financière de 2008 a mis au jour des lacunes du marché des instruments dérivés négociés de gré à gré, comme l’accumulation d’importantes expositions envers des contreparties entre les participants au marché. En 2009, le G20 a approuvé des réformes visant le marché des instruments dérivés négociés de gré à gré afin d’instaurer la compensation centrale et, s’il y a lieu, la négociation électronique ou en bourse d’instruments dérivés négociés de gré à gré normalisés; la comptabilisation des opérations dans des référentiels des opérations; et le relèvement des exigences de fonds propres et de marge pour les opérations qui ne sont pas compensées centralement. Ces réformes sont mises en œuvre à l’échelle mondiale grâce à des mesures législatives et réglementaires.
Les organismes provinciaux canadiens de réglementation des valeurs mobilières, le BSIF et les instances d’autres administrations sont en train de mettre en œuvre les réformes adoptées par le G20. Les administrateurs de régime doivent être conscients que, tout comme leurs contreparties, ils peuvent être assujettis à des exigences réglementaires précises en ce qui touche l’enregistrement, la compensation centrale, l’atténuation des risques et la déclaration des opérations s’ils effectuent des opérations sur instruments dérivés négociés de gré à gré.
Compte tenu de la nature mondiale des marchés d’instruments dérivés, les administrateurs de régime doivent se doter de procédures pour cerner, communiquer, gérer et atténuer le risque de non‑conformité à la réglementation. Ils doivent également demeurer au fait des exigences réglementaires de toutes les administrations pertinentes, qui s’appliquent à leurs activités liées aux instruments dérivés.
10.0 Investissement indirect dans des instruments dérivés
Les fonds de pension peuvent être indirectement exposés de diverses façons à des investissements dans des instruments dérivés par l’entremise de gestionnaires externes. Par exemple, un administrateur de régime peut investir dans un fonds commun, un fonds d’investissement ou un fonds de couverture qui effectue des opérations sur instruments dérivés, ou l’administrateur peut confier à un gestionnaire externe le mandat d’effectuer de telles opérations. Dans les deux cas, c’est l’administrateur de régime qui, en fin de compte, répond de la stratégie et des investissements.
Avant qu’un régime ne soit exposé indirectement à des instruments dérivés, l’administrateur doit obtenir suffisamment de renseignements pour cerner la stratégie du gestionnaire externe à l’égard de l’utilisation de ces instruments et de l’ampleur des investissements du gestionnaire dans des instruments dérivés, et d’autres renseignements appropriés dans les circonstances. Par exemple, avant d’investir dans un fonds commun, un fonds d’investissement ou un fonds de couverture qui a recours aux instruments dérivés, l’administrateur du régime doit soumettre le fonds à un contrôle adéquat de diligence raisonnable, contrôle qui lui demandera d’effectuer ce qui suit :
- passer en revue tous les renseignements pertinents concernant le recours aux instruments dérivés par le gestionnaire externe;
- effectuer des enquêtes raisonnables sur les mécanismes de contrôle interne et le cadre de gestion du risque du gestionnaire externe en ce qui a trait au recours aux instruments dérivés;
- évaluer si les mécanismes de contrôle interne et le cadre de gestion du risque atténuent efficacement les risques énoncés aux sections 6 à 9 de la ligne directrice;
- documenter les procédures suivies pour valider les mécanismes de contrôle interne et le cadre de gestion du risque du gestionnaire externe;
- examiner la manière dont le gestionnaire externe obtient des évaluations des instruments dérivés lorsque leur prix n’est pas accessible au public;
- déterminer les risques liés au manque de contrôle des placements;
- solliciter un avis impartial lorsqu’il est raisonnable et prudent de le faire;
- déterminer, après étude des facteurs susmentionnés, le pourcentage du fonds de pension, le cas échéant, qu’il est prudent d’investir par l’entremise du gestionnaire externe.
Si, après un contrôle diligent approprié, l’administrateur du régime décide d’investir dans un fonds commun, un fonds d’investissement ou un fonds de couverture, il doit alors superviser ou surveiller les placements dans une mesure prudente et raisonnable. Pour ce faire, il pourrait notamment devoir obtenir périodiquement des attestations de respect du gestionnaire externe.
11.0 Simulation de crise
Au besoin, les administrateurs de régime doivent soumettre les opérations sur instruments dérivés du régime de retraite à des simulations de crise reposant sur différents scénarios et conditions de marché. Les administrateurs doivent intégrer aux simulations de crise la possibilité que des événements défavorables affectent les expositions sur instruments dérivés (y compris les mouvements inhabituels du marché, des risques accrus de contrepartie ou de liquidité ou d’autres situations vraisemblables) pour s’assurer de connaître les pertes potentielles auxquelles le régime est exposé relativement aux opérations sur instruments dérivés.
Les simulations de crise aident à déterminer la réaction du portefeuille d’investissement et d’éléments de passif du fonds de pension aux changements des variables économiques ou des paramètres de risque pertinents. La complexité des simulations de crise d’un régime de retraite devrait être proportionnelle à la taille et à la complexité des activités liées aux instruments dérivés du régime.
12.0 Pratiques exemplaires
S’ils sont bien employés, les instruments dérivés peuvent accroître le rendement des placements et atténuer les risques. Dans le cas contraire, ils peuvent engendrer des pertes substantielles pour un régime de retraite. Afin de les utiliser de manière efficace, les administrateurs de régime doivent comprendre la façon dont ces instruments peuvent altérer le profil de risque et de rendement du régime de retraite et du fonds de pension, et mettre en place un solide cadre de gestion des risques pour éviter les conséquences fortuites.
Les administrateurs de régime disposent d’un large éventail de choix quant à la façon dont ils suivent et gèrent le risque. De plus, les stratégies visant les instruments dérivés et la composition des portefeuilles d’investissement se sont complexifiées, ce qui requiert des politiques et des procédures de gestion des risques plus perfectionnées. Il est donc encore plus important que les administrateurs de régime comprennent, suivent et gèrent leur exposition au risque. Comme les pratiques de gestion des risques liés aux instruments dérivés évoluent constamment, le BSIF s’attend à ce que les administrateurs de régime demeurent au fait des pratiques exemplaires et les adoptent, au besoin.
Notes de bas de page
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Une entente de cession est un contrat dans le cadre duquel le vendeur d’un titre accepte de racheter le titre de l’acheteur à un prix établi (supérieur au prix d’achat) à une date future déterminée, qui survient habituellement dans un court délai. Ces ententes se négocient de la même façon que les instruments dérivés, soit de gré à gré ou en bourse (comme la Bourse de Montréal au Canada), par le l’intermédiaire d’une contrepartie centrale (comme la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés). Les ententes de cession sont appelées ententes de prise de titre du point de vue de l’acheteur.
- Note de bas de page 2
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Alinéa 7.1(1)a) du RNPP.
- Note de bas de page 3
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La valeur à risque (VaR) est une technique fondée sur l’analyse de données historiques dont le but est d’évaluer la probabilité que les pertes découlant d'un portefeuille d'instruments financiers excèdent un montant donné.
- Note de bas de page 4
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La profondeur du marché correspond au nombre d’ordres ouverts d’achat et de vente pour un titre à différents prix, ce qui donne une idée de la liquidité du titre en question