Le surintendant Routledge participe à un entretien informel dans le cadre de la 22e Conférence annuelle sur les services financiers de la Banque Nationale du Canada
Discours - Montreal -
Le texte prononcé fait foi.
1. Parlons à présent du contexte réglementaire canadien. Le BSIF s’appuie-t-il désormais davantage sur des règles que sur des principes?
- Étant donné que l’approche du BSIF en matière de risque repose sur des principes, elle revêt une dimension pratique dans diverses circonstances.
- Cela vaut aussi pour la façon d’user de son jugement en matière de surveillance et de réglementation.
- Toutefois, notre approche doit être proportionnée. À mesure que les risques se concrétisent, nous devons prendre des mesures rapides et parfois nous baser davantage sur des règles afin d’avoir une réponse appropriée au risque.
- Le risque lié à l’habitation en est un exemple. Les Canadiens ayant exigé que nous soyons plus sévères, nous avons lié à une règle le taux admissible minimal évoqué dans la ligne directrice B-20, bien que nous ayons cherché à le faire reposer sur un principe.
- Cette approche fait aussi partie intégrante du nouveau Cadre de surveillance du BSIF, qui entrera en vigueur le 1er avril et qui décrit dans son intégralité la méthode que nous employons pour surveiller les institutions financières. Il en résulte un dialogue plus riche et plus pratique entre, d’une part, le conseil d’administration et la direction de l’institution, et de l’autre, les surveillants du BSIF.
2. Quelles sont les éventuelles conséquences indésirables d’une réglementation plus stricte? Comment gérez-vous ce risque? (Par exemple, voir des banques canadiennes se défaire d’actifs, modifier leurs stratégies, restreindre les prêts.)
- Le BSIF a pour rôle de déceler les risques et d’établir des principes appropriés pour les gérer.
- C’est aux institutions de prendre les décisions d’affaires et de gérer leurs propres risques. Leurs décisions se fondent sur leur propre propension à prendre des risques, laquelle est déterminée par la haute direction, le conseil d’administration ou les administrateurs de régimes de retraite privés.
3. En comparaison d’autres pays, le Canada semble adopter une approche plus prudente. Par exemple, nous avons mis en œuvre plus rapidement les réformes de Bâle III. Comment concilions-nous prudence et conditions équitables pour les institutions financières canadiennes?
- Le Canada a estimé que les réformes de Bâle III constituaient une actualisation responsable et prudente de ce régime de fonds propres.
- En tant qu’organisme de réglementation proactif qui s’appuie sur des principes, le BSIF a pu adopter rapidement les règles, en veillant à ce qu’elles reflètent le contexte canadien.
- Les autres pays qui ont mis plus de temps à adopter Bâle III, comme les États-Unis, ont tendance à avoir des processus publics qui sont fondés sur des règles et qui sont plus longs à suivre.
- Nous surveillons de près la mise en œuvre de Bâle III à l’échelle internationale, car nous tenons à ce que les institutions financières canadiennes puissent faire face à la concurrence et prendre des risques raisonnables.
4. Parlons à présent du marché hypothécaire. Que devez-vous voir, en tant que surintendant, qui dissiperait vos inquiétudes concernant l’endettement des ménages? Le BSIF exhorte-t-il les banques à en faire davantage pour aider leurs clients à faire face au relèvement des taux? Que pensez-vous des mesures d’accommodement offertes, comme la prolongation de la période d’amortissement?
- Tous les produits présentent un certain risque, et certains en présentent plus que d’autres. Pour gérer le risque lié au taux d’endettement élevé des ménages, les prêteurs hypothécaires doivent être proactifs et respecter les attentes de la ligne directrice B-20 et appliquer le taux admissible minimal, avant d’accorder des prêts.
- Compte tenu de l’environnement de risque accru, nous avons récemment publié un avis relatif à la réglementation pour clarifier et consolider nos attentes, qui insiste sur la nécessité de recenser et de redresser de façon proactive les comptes, segments de portefeuille et concentrations vulnérables.
- Il importe que les prêteurs s’adonnent à la gestion des risques tout au long du cycle de vie des prêts hypothécaires. L’environnement externe peut changer rapidement après la souscription initiale. Comme je l’ai dit, le système de financement de l’habitation serait plus utile aux emprunteurs comme aux prêteurs si les produits hypothécaires à taux variable et à versements fixes étaient moins courants.
- En période de taux d’intérêt élevés ou de hausse des taux, les emprunteurs peuvent également prendre rapidement des mesures pour gérer leur niveau d’endettement. Parmi ces mesures, on peut citer les suivantes :
- augmenter les versements hypothécaires;
- effectuer des versements forfaitaires;
- renégocier le prêt.
- En ce qui concerne les mesures d’accommodement, les prêteurs devraient également respecter la Ligne directrice sur les prêts hypothécaires existants des consommateurs dans des circonstances exceptionnelles, publiée par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Nous nous attendons également à ce que les prêteurs fassent preuve de prudence dans toute évaluation des questions de sursis de paiement et cherchent à avoir en place des pratiques de sursis qui favorisent le remboursement des dettes à terme.
5. Immobilier commercial : les événements récents aux États-Unis et leur incidence au Canada
- Au Canada, nous avons nombre des mêmes inquiétudes qu’aux États-Unis en matière d’immobilier commercial, car ces marchés font face aux mêmes vents contraires : taux élevés et baisse de la demande. Nous avons publiquement désigné l’immobilier commercial comme posant un risque prépondérant et nous nous attendons à ce que ce risque demeure élevé. En particulier, le marché de la construction continue de montrer des signes de ralentissement. Pendant ce temps, l’inoccupation prolongée des immeubles de bureaux continue d’exercer des tensions sur ces évaluations.
- Nous surveillons de près l’évolution du marché de l’immobilier commercial et nous intervenons en conséquence afin que les banques soient bien provisionnées.
- En septembre dernier, nous avons publié un avis relatif à la réglementation pour renforcer nos attentes en matière de gouvernance, de souscription et de gestion des comptes et des portefeuilles de prêts immobiliers commerciaux.
6. Comment les risques climatiques sont-ils pris en compte dans le cadre de capital réglementaire?
- La réponse est simple : à l’heure actuelle, les risques climatiques ne sont pas explicitement pris en compte dans les règles régissant le capital réglementaire. Toutefois, nous savons que les risques climatiques se manifestent par les canaux de risque traditionnels, si bien que le cadre actuel de capital réglementaire prend sans doute déjà en compte les risques climatiques dans une certaine mesure.
- La difficulté que nous avons est que cette prise en compte est peut-être incomplète en raison des difficultés à estimer les risques climatiques. Il nous manque encore des données et des indicateurs prospectifs. En conséquence, avant d’apporter des modifications au cadre, nous nous appuyons sur des faits objectifs pour résoudre les questions de suffisance des fonds propres pour les risques climatiques.
- Nous recueillerons des données quantitatives détaillées conformément aux instructions sur les relevés réglementaires que nous avons arrêtées et au moyen d’exercices normalisés d’analyse de scénarios climatiques, ce qui soutiendra notre analytique et nous aidera à cerner les problèmes de suffisance des fonds propres qui pourraient survenir en raison des risques climatiques.
- Nous avons également établi des attentes afin que les banques intègrent les risques climatiques à leur processus interne d’évaluation de l’adéquation des fonds propres (PIEAFP). Nos exigences comprennent maintenant la catégorie Risques climatiques, pour laquelle nous demandons des informations détaillées sur le montant des fonds propres internes alloué pour couvrir le risque physique et le risque de transition.
- Le 20 mars, nous avons publié une nouvelle version de la ligne directrice B-15, Gestion des risques climatiques. Dans cette nouvelle version, les attentes envers les institutions financières fédérales (IFF), énoncées à l’annexe 2-2, s’alignent désormais sur celles de la version finale de la norme IFRS S2, Informations à fournir en lien avec les changements climatiques (en anglais seulement) du conseil des normes internationales d’information sur la durabilité. Parallèlement, nous avons publié de nouveaux relevés pour recueillir des données normalisées sur les émissions et les expositions aux risques climatiques, ainsi qu’un rapport « Ce que nous avons appris » dans lequel nous rendons compte des commentaires reçus.
7. En tant que régulateur, que pensez-vous des commentaires des acteurs du secteur à propos de la version finale de la ligne directrice Intégrité et sécurité du BSIF? Dans quelle mesure les actes d’ingérence étrangère sont-ils fréquents?
- Le secteur financier n’est pas à l’abri de l’ingérence étrangère, qu’il s’agisse d’ingérence directe, d’actes malveillants ou d’influence indue.
- Les commentaires du secteur que nous avons reçus au sujet de notre projet de ligne directrice nous ont été extrêmement utiles. Pour l’essentiel, les commentaires avaient pour but de nous rappeler l’importance de fonder nos attentes explicitement sur le risque, particulièrement en ce qui concerne la vérification des antécédents, les locaux et le signalement. Le secteur souhaite également que nous utilisions une terminologie plus claire et plus cohérente et que nous clarifiions le principe de proportionnalité.
- La version finale de la ligne directrice vise à aider les institutions financières à prendre des mesures proactives pour devenir plus résilientes face aux menaces, y compris l’influence indue, l’ingérence étrangère et les activités malveillantes, qui peuvent toutes porter atteinte à l’intégrité et à la sécurité d’une institution financière.
8. Secteur de l’assurance : Y a-t-il des risques propres au secteur de l’assurance multirisque que vous souhaiteriez mettre en évidence?
- L’environnement de risque actuel est beaucoup plus préoccupant qu’avant la COVID. Les évaluations d’actifs changent. Nous constatons des changements macroéconomiques liés aux changements climatiques, aux marchés du crédit et à la géopolitique, et les assureurs multirisques sont exposés à ces risques en raison des risques physiques qu’ils assurent et des risques de transition liés aux investissements qu’ils effectuent, en plus d’être éventuellement exposés à des risques de responsabilité civile. Les assureurs multirisques devraient se préoccuper de la façon dont ces grands risques transversaux influent sur leur bilan.
- Étant donné que les événements à fréquence élevée augmentent en gravité, la couverture de réassurance et les rétentions nettes des assureurs multirisques s’en trouvent affectées, ce qui pourrait entraîner une instabilité des bénéfices, voire des fonds propres.