Table ronde avec Tolga Yalkin sur le contexte prudentiel en évolution et les coopératives de crédit

Document d’information - Calgary -

Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire, Secteur des mesures de réglementation du BSIF, participe à une discussion intitulée « Le contexte prudentiel en évolution et les coopératives de crédit » à l’occasion de la conférence de l’Association canadienne des coopératives financières (ACCF)

Modérateur : La réglementation est en constante évolution. Présentez-nous votre vision ou votre mandat en matière de réglementation à court terme. Indiquez-nous où les ressources sont allouées. Quel rôle pensez-vous que les organismes de réglementation peuvent jouer afin que les coopératives de crédit puissent mieux servir leurs membres?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • En juin dernier, le Parlement a élargi notre mandat de supervision afin de déterminer si les institutions financières disposent de politiques et de procédures adéquates pour se protéger contre les menaces pesant sur leur intégrité ou leur sécurité, y compris l’ingérence étrangère.
  • Dans le cadre de ce nouveau mandat, nous avons publié en janvier dernier la ligne directrice Intégrité et sécurité. Elle définit les attentes du BSIF en ce qui concerne les politiques et les procédures que les institutions financières mettent en place pour se protéger contre ce type de risques et pour devenir plus résilientes face à eux. La ligne directrice est publiée sur notre site Web.
  • Cette ligne directrice s’inscrit dans la continuité de travaux que nous effectuions déjà en ce qui concerne bon nombre de risques non financiers susceptibles d’influencer indirectement la sûreté et la solidité des institutions. Toutefois, il s’agit effectivement d’un changement d’orientation. Les risques liés à la conformité, à la gouvernance, à la gestion des données et de l’information, pour n’en citer que quelques-uns, sont importants en soi.

Modérateur : Dans quelle mesure les activités, les politiques et les orientations internationales influencent-elles votre prise de décision concernant les coopératives de crédit? Plus précisément, y a-t-il des domaines auxquels nous devrions prêter attention en dehors des services financiers, comme le droit de la concurrence ou la technologie, qui pourraient avoir un effet sur les décisions et les mesures à l’avenir? Comment votre organisme gère-t-il ces changements?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • Le BSIF prend note de la façon dont les normes internationales sont adoptées par d’autres pays, en particulier ceux où nos institutions financières peuvent exercer des activités. Au moment de prendre une décision, nous avons pour tâche d’examiner ces normes et de nous demander ce qui est logique d’un point de vue canadien. Pour ce faire, nous étudions attentivement le risque que nous estimons que la norme internationale aborde, mais aussi l’incidence qu’elle aurait sur la capacité des institutions financières à se mesurer à la concurrence et à prendre des risques raisonnables.
  • Parmi les risques non financiers, mentionnons notamment le risque climatique. Les changements climatiques constituent un facteur de risque au même titre que les risques financiers comme ceux liés au crédit, au marché, à l’assurance et à l’exploitation.
    • Nous contribuons aux travaux sur les risques climatiques à l’échelle internationale, de concert avec de nombreux organismes internationaux. Par exemple, nous codirigeons le groupe de travail du Réseau pour le verdissement du système financier (NGFS) sur les plans de transition. Il s’agit d’un domaine de la surveillance financière qui évolue rapidement. L’équipe a récemment publié plusieurs rapports qui décrivent les complexités de la planification de la transition. Ces travaux constitueront des ressources précieuses pour de nombreux organismes de réglementation dans le monde entier, qui s’efforcent d’élaborer leurs propres cadres de plans de transition dans leur pays respectif.
    • Nous travaillons également avec l’AICA sur l’élaboration de normes applicables aux analyses de scénarios, et avec le groupe de travail sur les risques financiers liés au climat du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Nous espérons que ce travail sera utile aux organismes de réglementation provinciaux du Canada lorsqu’ils élaboreront leurs cadres respectifs.
    • La ligne directrice B-15 prévoit l’obligation d’établir des plans de transition. Nous sommes le premier organisme de réglementation financière canadien à l’exiger. Nos attentes en matière de plans de transition sont conformes à celles du groupe de travail du Conseil de stabilité financière sur l’information financière relative aux changements climatiques. Nous évaluons les plans de transition en déterminant comment les institutions financières gèrent prudemment les risques climatiques pour assurer leur sûreté et leur solidité.
    • Nous menons aussi des consultations dans le cadre d’un exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques (ENASC) qui vise à renseigner les institutions financières sur leur exposition potentielle aux risques climatiques et à renforcer leur capacité à effectuer des analyses de scénarios climatiques et des évaluations du risque. De plus, l’exercice entièrement normalisé nous permettra de réaliser une analyse comparative et quantitative des risques climatiques pesant sur les IFF.

Modérateur : Les coopératives de crédit fonctionnent dans un environnement de risque complexe, qui comprend notamment des risques non financiers. Pouvez-vous expliquer l’importance du renforcement de la résilience aux risques non financiers et la manière dont votre organisme aborde cette question ou soutient les coopératives de crédit?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • Les risques qui ne sont pas directement de nature financière - comme les risques liés à la cybersécurité et à la technologie, aux tiers, à la conformité ou à la culture - ne cessent d’intensifier. En tant qu’organisme de réglementation, nous avons réagi à cette situation. Les dernières modifications apportées à notre mandat, à savoir la prise en compte de l’intégrité et de la sécurité, s’inscrivent dans la continuité de cette tendance.
  • Comme d’autres risques non financiers, les risques liés à l’intégrité et à la sécurité peuvent, s’ils ne sont pas maîtrisés, menacer la sûreté et la solidité des institutions financières. C’est surtout lorsque ces risques se matérialisent que les mesures prises par les institutions financières révèlent la qualité de leur résilience opérationnelle et de leurs pratiques de gestion du risque opérationnel. Ces pratiques les aident à résister, s’adapter et se remettre des événements perturbateurs tout en assurant leurs activités essentielles.
  • La surveillance de la résilience opérationnelle des institutions financières et de l’efficacité de leur gestion du risque opérationnel est au cœur de notre mandat prudentiel. C’est pourquoi, en octobre dernier, nous avons publié une version provisoire de notre ligne directrice E-21, Résilience opérationnelle et gestion du risque opérationnel, aux fins de consultation. Elle établit nos attentes visant à aider les institutions financières à se préparer à des événements perturbateurs graves et à s’en remettre. Nous prévoyons d’en publier la version finale cette année.
  • Les travaux dans ce dossier servent aussi à appuyer d’autres domaines importants de la gestion du risque, comme la ligne directrice B-13, Gestion du risque lié aux technologies et du cyberrisque, qui est entrée en vigueur le 1er janvier de cette année, et la ligne directrice B-10, Gestion du risque lié aux tiers, qui est entrée en vigueur le 1er mai. Il est important que les institutions financières examinent attentivement les liens entre ces différents domaines. Par exemple, elles doivent se prémunir contre les cybermenaces, conformément à la ligne directrice B-13; s’assurer que les tiers qui leur fournissent des services le font également, conformément à la ligne directrice B-10; et veiller à ce que, en cas de cybermenace, elles disposent de plans solides de continuité des activités et de reprise après sinistre, conformément à la ligne directrice E-21.

Modérateur : Nous sommes dans un marché de plus en plus axé sur l’innovation, caractérisé par l’échange fréquent des données, des besoins croissants en matière de paiement et l’offre élargie des produits technologiques. Comment votre organisme gère-t-il tous ces changements afin de mieux soutenir les coopératives de crédit et leurs membres?

Surintendant auxiliaire Tolga Yalkin :

  • Les produits numériques transforment fondamentalement le secteur financier, et ils favorisent à la fois l’innovation et l’inefficacité. Ils facilitent le traitement et l’analyse des données en temps réel, et procurent aux consommateurs et aux institutions financières commodité, accessibilité et personnalisation.
  • L’importance d’adopter ces innovations est prise en compte dans le cadre bancaire axé sur le consommateur récemment annoncé par le gouvernement fédéral, qui vise à faciliter un système sécurisé de communication des données, autorisé par le consommateur, entre les institutions financières et les entreprises de technologie financière accréditées.
  • Cette évolution et d’autres continueront à façonner l’écosystème du secteur financier dans un avenir prévisible, et probablement de plus en plus rapidement. Si ces innovations promettent des avantages considérables, notamment en rendant la finance plus inclusive et plus novatrice, elles présentent néanmoins d’éventuels risques dont nous devons être conscients en tant qu’autorité de réglementation.
  • Si certains aspects de ce domaine en évolution rapide sont ou seront encadrés par des organismes de réglementation, comme l’Agence de la consommation en matière financière du Canada dans le contexte du cadre bancaire axé sur le consommateur, d’autres, tels que les crypto-actifs, restent relativement peu réglementés.
  • C’est dans ce contexte que nous devons nous assurer que nous donnons effet à notre obligation de protéger les droits et les intérêts des déposants, des titulaires de police et des créanciers des institutions financières, tout en tenant dûment compte de la nécessité de permettre aux institutions financières de se livrer à une concurrence efficace et de prendre des risques raisonnables.
  • Dans ce contexte, nous souscrivons au principe « même activité, même risque, même réglementation ». Ainsi, nous sommes en train de rédiger deux lignes directrices sur les normes de fonds propres et de liquidité visant les expositions sur cryptoactifs : la première, applicable aux institutions de dépôt, et la seconde, aux assureurs.
  • Récemment, nous avons également mené une consultation sur la question de la communication publique, par les institutions financières fédérales, des expositions sur cryptoactifs. Nous publierons cette année une version à l’étude des lignes directrices aux fins de commentaires. Nous entendons publier les versions finales des lignes directrices sur les normes de fonds propres et de liquidité, et sur la communication des expositions ensemble au début de 2025.